Protestation populaire en 2002. Plan du développement du Sud décidé par le gouvernement en 2006. Mais rien n'a changé dans la ville. In Salah (400 km au nord de Tamanrasset) demeure toujours et peut-être pour longtemps encore prisonnière de sa situation géographique austère. Montagnes de sable, températures dépassant les 55°C à l'ombre, eau salée… et des champs gaziers. Nous ne sommes pas obligés de séjourner longtemps dans la région pour constater la misère quotidienne qu'endure la population locale. In Salah, chef-lieu d'une daïra qui compte plus de 30 000 habitants, n'a de ville que le nom. Il était environ 15h30 quand nous sommes arrivés, le 17 janvier 2007, à l'aéroport d'In Salah en provenance de Hassi Messaoud. Les signes apparents d'un désenclavement patent sont, d'ores et déjà, visibles ici au niveau de l'infrastructure aéroportuaire, distante de quelque 3 à 4 km de la ville. L'aéroport ne dispose que d'une petite baraque qui sert de salle d'accueil aux visiteurs. Le salon d'honneur, adjacent à cette salle, ne s'ouvre que pour les officiels. Les procédures d'embarquement se font encore manuellement. Le décor n'est pas le même que celui que nous avons vu, quelques heures auparavant, à l'aéroport de Hassi Messaoud où pour transiter, le passager doit avoir un laissez-passer. Et encore, le précieux sésame n'est pas délivré pour tout le monde. « On ne donne pas un laissez-passer à tout le monde. Il faut que le demandeur présente les motifs de son déplacement dans la région. Ce n'est pas une zone touristique », nous déclare un policier rencontré à l'aéroport de Hassi Messaoud. Le gaz : Bénidiction ou malédiction ? Les mesures de sécurité sont très rigoureuses dans cette infrastructure. Nous étions contraints de remplir les fichiers de police deux fois. « Il est tout à fait normal. La zone est stratégique et mérite une sécurité maximale », a précisé encore le policier. La ville d'In Salah ressemble plutôt à un hameau perdu entre les dunes de l'immense désert. Pourtant la région dort sur des trésors. Elle est l'un des champs les plus riches du Sahara en gaz. Toutefois, la richesse ne profite pas à ses citoyens. Les jeunes de la région, qui ont exprimé leur révolte contre le désœuvrement et la misère qui rongent leur quotidien par des émeutes en 2002, demeurent toujours dans l'expectative. Mais leur attente risque de durer encore longtemps. En attendant, ces jeunes déambulent dans les rues sablonneuses de la ville. L'attente risque de durer des années encore. Les postes d'emploi sont rares. Le seul salut pour eux est de se faire embaucher par l'une des entreprises étrangères activant dans les champs de gaz. Pour cela aussi il faut maîtriser d'abord l'anglais. « Les gens ne travaillent que dans l'administration ou dans l'enseignement. Il n'y a pas d'autre opportunité d'emploi », a affirmé un jeune, vendeur de cigarettes que nous avons rencontré au marché des fruits et légumes du centre-ville. Là, mis à part les quelques produits de l'artisanat local, la marchandise qui s'y vend est importée du Nord. Généralement, les fruits et légumes, proposés à des prix similaires à ceux pratiqués à Alger, proviennent de Ghardaïa, une wilaya limitrophe. « A part la qualité des produits, les prix sont pratiquement les mêmes que ceux pratiqués au Nord », a précisé Mohamed, vendeur dans ce marché depuis 5 ans. Les lieux semblent désertés. Le marché était presque vide lorsque nous sommes arrivés vers 16h30. « Les gens ne sortent qu'après 17h. En plus, ils sont rares ceux qui viennent s'approvisionner », a enchaîné notre interlocuteur. In Salah souffre, selon ses habitants, de plusieurs carences. En sus du chômage, la ville semble livrée à la merci des vents de sable. Un danger menaçant pour les populations. Selon le vice-président de l'APC, il y a même des familles qui ont perdu leurs maisons, car elles ont été ensevelies sous le sable. « In Salah est située dans couloir connu par le soulèvement des vents de sable, notamment durant les mois de janvier et février. Même la RN°1 reliant In Salah à Tam a été souvent coupée par le sable », a-t-il expliqué. La ville, a-t-il ajouté, demeure parfois coupée du monde durant 2 à 3 jours. Où sont donc les richesses de cette contrée ? A la recherche de spécialistes de la santé Les recettes annuelles de la fiscalité pétrolière devant être engrangées par l'APC ne sont pas pour améliorer le quotidien de la population. Pourtant les recettes existent. Selon le P/APC, Labiadh Mohamed, la commune a reçu en 2003 près de 17 milliards de centimes, en 2004, 15 milliards et en 2005, 13 milliards de centimes. « En 2006, nous n'avons rien reçu, car les entreprises étrangères sont parties », a-t-il justifié. Le problème le plus épineux, compliquant encore plus la vie des citoyens d'In Salah, est l'eau salée. Le taux de salinité des eaux atteint des niveaux très élevés (317 mlg/litre). La consommation de cette eau provoque de nombreuses maladies, en particulier l'hypertension et l'insuffisance rénale. La mise en place par British Petroleum de quatre stations de dessalement d'eau a allégé un peu les souffrances des malades auxquels on cède l'eau traitée gratuitement. Cependant, le problème est loin d'être résolu, d'autant que le projet de transfert des eaux souterraines d'In Salah vers Tam ne profitera pas à la population locale. « Ce projet n'est pas destiné à In Salah. La seule chose que l'on peut gagner sont les postes d'emploi et la création d'autres villes tout au long du tracé du projet », a attesté le P/APC. Ce dernier nous a même surpris en affirmant que In Salah ne souffre pas du problème d'eau. « Nous avons ramené de l'eau de Feggaret Ezzouar (est de la ville). Il ne manque actuellement que le château, dont les travaux de construction sont déjà en cours », a-t-il renchéri. Selon lui, la ville souffre de manque de spécialistes de la santé, plus particulièrement de gynécologues, d'orthopédistes… Les malades doivent se déplacer soit à Adrar (700 km) ou à Ghardaïa (400 km). Devant cette multitude de contraintes quotidiennes, les gens d'In Salah se contentent de savourer le calme assourdissant de leur ville… In Salah. De notre envoyé spécial