Moment de vérité dans l'histoire des institutions américaines avec la présentation par le président George W. Bush de son projet de budget. Très officiellement, le Sénat, qui doit en débattre et qui se proposait même de censurer le président sur cette question destinée à financer l'effort de guerre, n'est plus le même depuis les élections de novembre dernier qui ont permis aux démocrates de s'emparer des deux chambres du Congrès. L'on s'attend le plus normalement du monde à une rude bataille d'autant plus que les démocrates sont aussi portés par une opinion de plus en plus opposée à la guerre en Irak, mais, relève-t-on d'ores et déjà, le débat très attendu est menacé de tourner court grâce à une bataille de procédure lancée par les alliés républicains de la Maison-Blanche, qui cherchent à éviter un cinglant désaveu du président Bush. Le débat doit déterminer si oui ou non le Congrès américain, aux mains de l'opposition démocrate au président Bush depuis janvier, est en mesure d'exprimer officiellement son opposition à la nouvelle stratégie pour l'Irak, annoncée le 10 janvier. « Le Sénat est en désaccord avec le ‘‘plan'' d'augmenter nos effectifs (militaires en Irak) de 21 500 (hommes), et appelle le président (Bush) à considérer toutes les alternatives », proclame un projet de résolution non contraignante soutenu non seulement par l'état-major démocrate mais par certains des membres les plus respectés du parti républicain, comme l'ex-président de la commission des Forces armées John Warner. Bien que ce texte soit purement symbolique et que la Maison-Blanche ait prévenu à de multiples reprises qu'il ne l'empêcherait en rien d'appliquer la stratégie annoncée, le risque du désaveu pousse l'état-major républicain à peser de tout son poids pour éviter son adoption. Le camp républicain a marqué un premier point lundi soir en bloquant la mise aux voix rapide de la proposition Warner. Des négociations en coulisses devraient fixer les conditions de la suite du débat, au plus tard à l'occasion d'un débat budgétaire attendu dans les prochaines semaines. Les républicains espèrent faire prévaloir une proposition à peu près consensuelle — sauf dans l'aile gauche du parti démocrate — engageant le Congrès à financer les besoins des militaires sur le terrain, dépourvue de tout commentaire sur la stratégie suivie. Le président Bush avait, rappelle-t-on, présenté lundi un projet de budget largement axé sur la guerre en Irak. « En tant que chef des armées, ma plus haute priorité est la sécurité du pays. Mon budget consacre des ressources importantes à la guerre contre le terrorisme et assure la protection de notre pays contre ceux qui voudraient nous faire du mal », assure M. Bush dans le document de présentation du budget. Pour les deux prochaines années, M. Bush a demandé au Congrès un total de 235 milliards de dollars au titre de la « guerre mondiale contre le terrorisme » : 141,7 milliards de dollars pour l'année 2008 ainsi qu'une rallonge de 93,4 milliards de dollars pour 2007 qui viennent s'ajouter aux 70 milliards déjà votés pour l'année budgétaire en cours. Une démarche risquée Au total, avec les demandes présentées lundi, le coût de la « guerre contre le terrorisme » pour les Etats-Unis a grimpé à près de 662 milliards de dollars, a reconnu le gouvernement. On est bien loin de l'estimation de « 100 à 200 milliards de dollars » qui avait valu son poste au conseiller de la Maison-Blanche, Lawrence Lindsey, en 2002. Ces demandes promettent d'alimenter les frictions entre le président républicain et les démocrates qui dénoncent sans relâche la politique en Irak et sont déjà majoritairement opposés au projet de M. Bush d'envoyer 21 500 hommes supplémentaires sur le terrain. « Nous allons examiner cette demande de rallonge budgétaire avec la rigueur que le Congrès a ignorée pendant quatre ans », avait assuré, dès vendredi, le chef de la nouvelle majorité au Sénat, Harry Reid, pour qui « trop d'argent a été gaspillé dans des projets pharaoniques ». Le coût pourtant risque de grimper encore, a reconnu à mots couverts la Maison-Blanche, car les projections sont faites sur la base de l'activité actuelle. Tous les plus grands noms du Sénat actuel ainsi que les candidats présumés ou déclarés à la présidentielle de 2008 y ont déjà pris partie, illustrant les déchirements de la classe politique. Les démocrates ne sont guère plus unis que les républicains. Plusieurs recherchent des moyens contraignants pour enrayer « l'escalade » actuelle de la guerre. « Je suis contre, et nous devrions agir pour l'empêcher avant que les militaires n'arrivent là-bas », a ainsi expliqué le démocrate Christopher Dodd, candidat à l'investiture démocrate pour 2008 et auteur d'un texte qui exigerait l'autorisation explicite du Congrès pour tout déploiement supplBush présente son projet de budgetLa bataille s'annonce rude au Sénat USémentaire. D'autres encore, sensibles aux arguments de la base du parti démocrate, réclament que le Congrès vise au portefeuille pour forcer à arrêter la guerre, comme le démocrate Russ Feingold. Politiquement risquée, cette démarche est exclue par l'état-major démocrate, qui a promis de « ne pas mégoter » pour fournir aux militaires l'équipement dont ils ont besoin. Est-ce l'unique raison dans l'argumentaire des démocrates ? Eux, qui se voient déjà aux portes de l'ensemble du pouvoir, risquent de se retrouver avec ce problème qu'ils auront donc à gérer. Quelle sortie alors ?