Les preuves s'accumulent contre le président américain George W. Bush et ce que lui appelait la lutte contre le terrorisme, plus particulièrement l'engagement contre l'Irak en 2003. A vrai dire, il n'y a rien de vraiment nouveau dans le débat sauf que cette fois, et ce n'est pas peu il est vrai, c'est le Sénat des Etats-Unis qui entend donner sa version des faits. Cette institution pourtant dominée par les Républicains a en effet publié vendredi un rapport démontant une à une les justifications de la guerre en Irak, et donnant à l'opposition démocrate de nouvelles munitions contre l'Administration Bush à l'approche des élections de novembre. Un risque énorme à l'approche des élections parlementaires de mi-mandat qui pourraient pénaliser le parti du Président. Alors qu'aujourd'hui encore l'administration et la majorité cherchent à contrer l'impopularité de la guerre en Irak en faisant le « front central de la guerre contre le terrorisme », le rapport établit plus clairement que jamais le régime de Saddam Hussein n'était allié au réseau terroriste Al Qaîda, responsable des attentats du 11 septembre. « Saddam Hussein n'avait pas confiance en Al Qaîda et considérait les extrémistes islamiques comme des menaces contre son régime, refusant toutes les demandes d'Al Qaîda pour une aide matérielle ou opérationnelle », a affirmé la commission du Renseignement. Cette conclusion, en plein cinquième anniversaire du 11 septembre, va directement à l'encontre de déclarations du président américain. Le 21 août dernier encore, George W. Bush a évoqué l'ancien président irakien : « Saddam Hussein, qui avait la capacité de fabriquer des armes de destruction massive, qui payait des kamikazes pour tuer des vies innocentes, qui avait des relations avec (Abou Moussab) Al Zarqaoui », l'ancien chef d'Al Qaîda en Irak tué en juin dernier. En fait, affirme le rapport, « les informations obtenues après-guerre indiquent que Saddam Hussein avait tenté en vain de localiser et de capturer Al Zarqaoui » en 2002. Le rapport, décrit par l'opposition comme une « mise en accusation » de l'Administration Bush, dément également ses affirmations sur le danger que représentait le régime irakien. En particulier, l'Irak ne disposait ni de programme nucléaire actif ni de laboratoire mobile pour la fabrication d'armes biologiques. Par ailleurs, les sénateurs dénoncent l'exploitation excessive des « fausses informations » fournies par un groupe d'irakiens exilés, le Congrès national irakien d'Ahmed Chalabi. Ils soulignent que l'administration a décidé durant l'été 2002 de continuer à subventionner le CNI alors même que « l'agence du renseignement militaire – DIA – avertissait (en octobre 2002) que le CNI était infiltré par des services de renseignements, hostiles et utiliserait cette relation pour promouvoir ses propres objectifs ». « Les responsables de l'administration ont sélectionné, exagéré ou passé sous silence du renseignement pour justifier la décision qu'ils avaient déjà prise d'entrer en guerre contre l'Irak », a accusé le démocrate John Rockefeller, numéro deux de la commission. Le président républicain de la commission Pat Roberts s'est efforcé de minimiser l'impact du rapport en affirmant qu'il contient « peu de nouveautés » sur les capacités du régime de Saddam Hussein en termes d'armes de destruction massive. Quant à la confiance accordée aux révélations du CNI avant la guerre, M. Roberts, qui a voté contre les conclusions officielles, a accusé l'opposition de vouloir « réécrire l'histoire » alors que, selon lui, les informations du CNI ont joué un rôle « minimal » dans les analyses du renseignement. « OK, on va laisser les gens discutailler sur ce qui s'est passé il y a trois ans, mais l'important c'est de savoir ce qu'on va faire demain, et après-demain, et le mois prochain, et l'année prochaine, pour s'assurer qu'on gagne cette guerre contre le terrorisme », a lancé le porte-parole de la Maison Blanche Tony Snow, visiblement impatient de passer à autre chose. De profonds désaccords politiques au sein de la commission retardent la publication de deux autres analyses très attendues, l'une sur d'éventuelles contradictions volontaires entre les déclarations officielles d'avant-guerre et les analyses du renseignement, et l'autre sur les agissements d'une cellule antiterroriste dirigée par l'ancien sous-secrétaire à la Défense Douglas Feith. Mais pour tout dire, le Sénat n'est pas allé au fond de la question, c'est-à-dire soulever d'autres formes du débat en ce qui concerne les responsabilités dans la guerre livrée à l'Irak puisque d'autres intervenants avaient mis en cause la fiabilité du renseignement derrière lequel s'est abrité la Maison-Blanche, mettant hors de cause une responsabilité directe du président Bush.