Les créateurs de mode américains ont redit, lundi, leur volonté de lutter contre la maigreur maladive des mannequins, sans toutefois édicter des règles, une position qui ne fait pas l'unanimité aux Etats-Unis. Certains appellent à des mesures d'interdiction. Sous les tentes de la Semaine des défilés de New York, le top modèle Natalia Vodianova, image des campagnes Calvin Klein et star des podiums, est venue, lors d'un débat, raconter son enfance dans une famille pauvre de Russie, où manger était une nécessité, puis son arrivée dans le milieu de la mode et la montée croissante des troubles alimentaires et des doutes sur son image. En 2002, confie-t-elle, elle a commencé à défiler, et c'est là qu'elle a senti la pression du secteur. Après la naissance de son fils, elle pesait encore moins qu'avant sa grossesse. Elle perdait ses cheveux. Elle était nerveuse et hypersensible. Elle ne se rendait pas compte. Il a fallu qu'un ami docteur la mette devant la réalité. « Comment, adolescentes, savoir ce qui est bien pour nous ? Je vois chez certaines combien il est difficile de maintenir l'estime de soi », a-t-elle dit. Elle s'est félicitée des premières recommandations émises aux Etats-Unis. L'assemblée en question était réunie par le Conseil des créateurs de mode d'Amérique (CFDA) qui, au terme de ses discussions, a émis des recommandations alors que le débat sur la maigreur excessive des mannequins et l'influence de ces images sur les jeunes touche toutes les capitales de la mode, notamment depuis la mort du mannequin brésilien. « Notre métier est de créer des images qui font rêver et il est important de promouvoir la santé comme faisant partie de la beauté », a taraudé la présidente du CFDA, la créatrice Diane von Furstenberg. Le CFDA compte organiser, dès mars prochain, des séminaires pour justement informer les professionnels sur ces troubles. L'organisme suggère également d'interdire des défilés les moins de 16 ans et de s'interroger sur le choix de mannequins montrant des signes préoccupants. « Il doit y avoir des recommandations, pas d'obligations. Contrairement par exemple à Madrid, qui bannit les mannequins dont l'indice de masse corporelle est inférieur à 18 (18,5 étant l'indice à partir duquel l'OMS considère un individu sous son poids normal). Le problème va au-delà du seul poids ou de l'indice de masse corporelle », objecte Joy Bauer, nutritionniste, consultée par le CFDA. Il y a la génétique, l'âge. Certaines filles peuvent avoir un faible indice et être en bonne santé. Et en plus, cela peut accentuer l'anxiété et créer plus de problèmes, inciter à entreprendre des tactiques pour manipuler la balance. Du côté des créateurs, on estime qu'il revient aux agences de mannequins de prendre soin de leurs protégées. La créatrice Tory Burchi croit qu'« il sera difficile de l'imposer aux Etats-Unis où la liberté de choix compte tant ». Un représentant de l'Académie pour les troubles alimentaires s'interroge : pourquoi ne pas imposer un contrôle médical annuel à toutes ? La présidente de l'Association nationale sur les troubles alimentaires (Neda), Lynn Grefene, ne comprend pas pourquoi l'on s'oppose tant à des contrôles physiques. « Faire juste des suggestions est un pansement sur une blessure bien plus vaste », estime son organisation. « Notre souci est de savoir qui va suivre ces recommandations ? Quelles sont les prochaines étapes ? » Le CFDA insiste sur le fait que c'est « un premier pas. A New York, le sujet n'est en tout cas pas clos ». Il est à notrer qu'une conseillère municipale démocrate, Gale Brewer, vient de présenter un projet de résolution visant à imposer une régulation sur l'âge et le poids des modèles. Mieux encore, un parlementaire, Jose Rivera, voudrait créer un conseil consultatif au niveau de l'Etat chargé de fixer des normes dans l'emploi de mannequins et acteurs mineurs.