«Aucune entreprise ne réussira si elle est basée sur le déni des droits des nations qui respectent les règles». Le 24 septembre 2009, le Président Obama a présidé le cinquième Sommet du Conseil de Sécurité, depuis la création de cet organe de décision de l'ONU en 1946, le premier ayant eu lieu en janvier 1992. Cette séance spéciale était, pour la première fois, consacrée au désarmement et à la non-prolifération, deux thèmes complémentaires et inséparables l'un de l'autre, se nourrissant mutuellement, d'une actualité brûlante et qui le resteront encore longtemps. Les Etats membres permanents et non-permanents du Conseil de Sécurité qui a la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales, ont adopté à l'unanimité une résolution sur le sujet inscrit à l'ordre du jour, lequel a été fixé le 4 août 2009, dans un communiqué de Susan Rice, la Représentante permanente des Etats-Unis auprès de l'ONU à New York. En annonçant la tenue d'un Sommet du Conseil de Sécurité, le 24 septembre, sous la présidence d'Obama, elle précisait qu'il «se penchera sur la non-prolifération et le désarmement nucléaires de façon générale et non sur des pays particuliers». A l'ouverture du Sommet, le président Obama avait rappelé le même objet en déclarant: «J'avais organisé ce Sommet afin que nous puissions nous pencher au plus haut niveau sur la menace fondamentale pour la sécurité de tous les peuples et de toutes les nations: la prolifération et le recours aux armes nucléaires.» Ce faisant, les Etats-Unis cherchent visiblement à ne pas trop singulariser l'Iran et la Corée du Nord pour calmer le jeu en prévision d'échéances importantes: 1-Les négociations d'un traité d'interdiction des matières fissiles qui pourraient démarrer en janvier 2010 si la Conférence du désarmement arrivait à s'entendre sur les questions organisationnelles pour mettre en oeuvre le Programme de travail adopté le 29 mai dernier, sous la présidence de l'Algérie; 2-La ratification du Traité d'interdiction des essais nucléaires, plus connu sous le sigle anglais Ctbt, qui traîne devant le Sénat américain depuis 1996; les Républicains, avec à leur tête le sénateur McCain, font campagne contre cette ratification. En s'en prenant de façon spectaculaire et violente à l'Iran devant le Sommet, le président Nicolas Sarkozy n'a pas tenu compte de la volonté ou du moins du souhait de son homologue américain. On peut supposer que c'est à la demande de la délégation française que l'Iran et la Corée du Nord ont été mentionnés dans la résolution adoptée par le Sommet. Le discours prononcé par le président Obama à Prague, en avril dernier, et dans lequel il appelle à «un monde sans armes nucléaires», constitue désormais la «feuille de route» de la politique des Etats-Unis en matière de non-prolifération et de désarmement. En juillet 2009, le Sommet du G8 de L'Aquila, a adopté cette «feuille de route». En outre, le Président Obama a invité les participants à prendre part au Sommet Global sur le nucléaire, «Global Nuclear Summit», prévu à Washington, en mars ou avril 2010, soit quelques semaines avant la Conférence de révision du TNP qui aura lieu au mois de mai. Le Sommet discutera des mesures à prendre pour sécuriser les matériels nucléaires, combattre le terrorisme, dissuader, détecter et perturber les tentatives de terrorisme nucléaire. Il faut rappeler que dans son discours de Prague d'avril 2009, le président Obama avait proposé «de sécuriser dans les quatre années à venir tous les matériaux nucléaires sensibles dans le monde» afin de les soustraire aux entités non étatiques. Un défi des plus risqués. Le 24 septembre, ce fut donc au tour du Conseil de Sécurité de faire sienne la «feuille de route» d'Obama en adoptant à l'unanimité la résolution 1887 (2009) qui réaffirme que les armes de destruction massive et leurs vecteurs sont des menaces à la paix et à la sécurité internationales et recense des actions à prendre pour promouvoir un monde sans armes nucléaires. D'ici à la tenue de la Conférence de révision du TNP qui aura lieu en mai 2010, les Etats-Unis prendront très probablement d'autres mesures pour réaliser les objectifs qu'ils poursuivent en matière de non-prolifération et de désarmement. C'est que ces objectifs comptent parmi leurs priorités alors que beaucoup d'obstacles restent à lever. Depuis près de 40 ans le régime de non-prolifération a pour pierre angulaire le Traité de non-prolifération (connu sous l'acronyme TNP) qui est entré en vigueur le 5 mars 1970. Cet important instrument juridique est un véritable contrat entre les Etats dotés d'armes nucléaires (qui ont procédé à des explosions nucléaires avant le 1er janvier 1967, soit la Chine, les Etats-Unis, la France, la Grande-Bretagne et la Russie, appelés les P5.) et ceux qui n'en sont pas dotés. Les premiers se voyaient reconnaître le statut de puissances nucléaires et s'engageaient à démanteler leurs arsenaux. Les seconds renonçaient volontairement à acquérir des armes nucléaires et se voyaient reconnaître le «droit inaliénable» de développer le nucléaire civil. Le TNP repose donc sur trois piliers fondamentaux: 1-Le désarmement nucléaire auquel étaient soumis les pays dotés d'armes nucléaires: ces pays devaient commencer à réduire leurs arsenaux nucléaires dès l'entrée en vigueur du TNP, le 5 mars 1970. Les seules réductions enregistrées à ce jour sont celles qui ont été convenues sur une base bilatérale entre les Etats-Unis et la Russie, comme le Traité Sart I qui arrive à expiration en décembre prochain. Des négociations sont en cours entre ces deux puissances pour conclure un autre instrument de réduction plus «courageux». Elles ont toutes les chances de réussir en raison de la conjoncture internationale qui est favorable au désarmement et parce que Obama a donné un signal clair de sa volonté d'aller de l'avant en renonçant momentanément à la partie européenne du bouclier antimissile que la Russie considérait comme une atteinte à sa sécurité. Il reste à répondre à la demande des pays non dotés d'armes nucléaires qui veulent que la question du désarmement nucléaire fasse l'objet d'un accord international contraignant et vérifiable. Il n'est plus acceptable que les P.5 fassent leur cuisine entre eux et pérennisent leurs arsenaux et continuent à moderniser et miniaturiser leurs armes nucléaires pour en faire des armes de théâtre. 2-En matière de non-prolifération, les espoirs reposent sur le futur traité d'interdiction des matières fissiles censé mettre fin à la production de matières fissiles à des fins militaires. Un tel instrument est espéré depuis que l'atome a fait la preuve de son pouvoir dévastateur à Hiroshima et Nagasaki. Sa conclusion s'est toujours heurtée aux jeux des puissances et aux égoïsmes des Etats les plus forts. Elle est liée aux engagements qui seront pris en matière de désarmement et à la clarification du troisième pilier du TNP. 3-Il s'agit du droit pour les Etats non dotés d'armes nucléaires de développer le nucléaire à des fins pacifiques, c'est-à-dire exclusivement civiles. Certaines propositions sont faites actuellement pour les priver d'une partie essentielle de ce droit sous prétexte que la maîtrise du cycle ou de la chaîne du combustible donne accès au nucléaire militaire. Elles seront au centre de la Conférence de révision du TNP de mai 2010. La Conférence préparatoire qui a tenu sa troisième et dernière session, a adopté l'ordre du jour et les décisions de procédure. Une étape qui n'avait pas été franchie lors de la session précédente de 2005 qui se termina avant de commencer sur un échec. Ce développement invite à l'optimisme, mais le succès de la prochaine Conférence de révision n'est pas pour autant garanti. A la veille d'échéances importantes, on peut dire que les puissances nucléaires n'ont pas tenu les engagements pris dans le cadre du TNP et dans les Conférences de révision quinquennales, surtout celles de 1995 et 2000. Certains d'entre eux ont tout fait pour faire échouer celle de 2005. Pour vaincre le scepticisme des Etats non dotés d'armes nucléaires, ils devraient prendre rapidement des mesures de confiance: diminuer l'importance de l'arme nucléaire dans leurs stratégies de défense, comme prélude à la renonciation définitive à son emploi (Obama a ordonné la remise à plat de la stratégie de défense nationale des Etats-Unis; il reste à voir ce que ça va donner); rendre le désarmement irréversible en renonçant à la modernisation des arsenaux nucléaires; donner aux Etats non donnés d'armes nucléaires des garanties négatives de sécurité...Entre autre. Le chemin du désarmement demeure long et difficile; celui de la non-prolifération en dépend comme il dépend de la garantie pour les Etats non dotés d'armes nucléaires à utiliser le nucléaire à des fins pacifiques. Il est intéressant de noter que le président Obama semble tirer la leçon de la politique de son prédécesseur en déclarant à Prague «qu'aucune entreprise ne réussira si elle est basée sur le déni des droits des nations qui respectent les règles». (*) Ancien ambassadeur auprès de la Conférence du Désarmement