L'annulation d'une décision du ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy de créer un fichier informatique des étrangers en situation irrégulière baptisé « Eloi » (pour éloignement) a été requise mercredi dernier devant le Conseil d'Etat, plus haute juridiction administrative du pays. Le « commissaire du gouvernement » Claire Landais — magistrat indépendant par son statut, faisant office de ministère public — a estimé que le ministre et candidat UMP à la présidentielle n'avait pas respecté les procédures légales pour cette décision. La décision du Conseil d'Etat sera rendue dans les prochains jours. Avant de prendre le 30 juillet 2006 son arrêté, le ministère de l'Intérieur aurait dû faire adopter un avis en Conseil d'Etat et demander un avis motivé à la Commission nationale informatique et libertés (Cnil), une instance administrative indépendante, a estimé la magistrate Claire Landais. Le fichier Eloi vise à faciliter les expulsions d'étrangers sans papiers en rassemblant dans des fiches informatiques des données sur les étrangers en instance d'expulsion, les personnes qui les hébergent et celles qui leur rendent visite dans les centres de rétention. Le commissaire du gouvernement considère qu'il est soumis à une procédure spéciale car certaines données, comme les photos numérisées, sont considérées comme biométriques, donc sensibles. L'arrêté du ministère est combattu devant le Conseil d'Etat par SOS-Racisme, la Ligue des droits de l'homme, la Cimade et le Syndicat de la magistrature notamment. Ces organisations considèrent que ce fichier porte atteinte aux droits des personnes qui soutiennent les étrangers en instance d'expulsion, en organisant leur fichage. Le ministère de l'Intérieur ne renonce pas pour autant à son fichier. Il a prévu deux petites modifications. Les visiteurs institutionnels des sans-papiers en rétention (parlementaires, avocats, représentants d'associations) ne seront pas fichés. Et les données sur les autres visiteurs seront conservées trois mois, et non trois ans.