Les données relatives aux étrangers ne peuvent pas être conservées pendant trois ans. Encore une fois, le Conseil d'Etat contredit le président Nicolas Sarkozy. Il vient d'invalider deux dispositions du fichier sur les étrangers expulsables (Eloi), destinées à lutter contre l'immigration clandestine. Les deux dispositions censurées concernent la conservation de certaines données pendant trois ans, et l'enregistrement du numéro d'identification (Agdref) obtenu lors d'une demande d'un titre de séjour. Le Conseil d'Etat a jugé «excessive» la conservation pendant trois ans - au lieu de trois mois pour la plupart d'entre elles - de certaines des données collectées, relatives notamment à l'identification de l'étranger et de ses enfants. Il a également annulé la disposition portant sur l'enregistrement, dans ce fichier, du numéro d'identification utilisé dans la gestion des dossiers des étrangers ayant demandé un titre de séjour. En vertu de cette nouvelle mouture, si l'étranger est assigné à résidence, l'identité et l'adresse de l'hébergeant figureront dans le fichier. Toutefois, ces données devront être effacées «au plus tard, trois mois» après la fin de l'assignation, un délai plus court que dans le projet initial. Le fichier sera accessible aux agents des services centraux du ministère de l'Intérieur, des services préfectoraux et des services de gendarmerie ou de police «spécialement habilités». Le Conseil d'Etat, plus haute juridiction administrative française, avait rejeté, il y a plus de deux ans, la création d'un fichier sur les étrangers expulsables. La première mouture de ce texte, annulée en mars 2007 pour des raisons de forme, incluait non seulement les étrangers «faisant l'objet d'une mesure d'éloignement» (d'où le nom du fichier Eloi), mais potentiellement tous les sans-papiers, ainsi que les personnes en contact régulier avec eux. Le texte qui prévoit un fichage automatisé des étrangers en instance d'expulsion, de ceux qui les hébergent et des personnes qui leur rendent visite en centre de rétention, avait fait l'objet début 2008 d'un recours déposé par plusieurs associations de défense des droits de migrants, dont SOS Racisme, la Ligue des droits de l'homme (LDH) et la Cimade. Elles dénonçaient la profonde atteinte à «la protection des données personnelles, en prévoyant d'enregistrer et de conserver des informations qui ne sont pas strictement nécessaires à la poursuite d'objectifs légitimes». Mais le Conseil d'Etat a rejeté d'autres arguments soulevés par les associations, qui contestaient notamment le recueil du nom, prénom et âge des enfants. Il a également rejeté les critiques concernant la finalité statistique des données recueillies, pas suffisamment encadrée, aux yeux des associations. Celles-ci se sont néanmoins déclarées satisfaites. «C'est partiel mais c'est un très bon signe», a déclaré Jean-Pierre Dubois, président de la Ligue des droits de l'homme (LDH). «C'est pour nous une satisfaction qu'une institution protège les droits de l'homme malgré le gouvernement», a renchéri le vice-président de SOS Racisme, Samuel Thomas. Le ministre de l'Immigration, Eric Besson, a, de son côté, retenu «la validation de la plus grande partie» du décret, et a immédiatement annoncé dans un communiqué un «texte complémentaire» pour remplacer les deux dispositions annulées. La semaine passée, le président français, Nicolas Sarkozy, avait subi un revers cinglant avec l'annulation, mardi soir, de sa «taxe carbone», mesure emblématique d'une volonté de lutter contre le réchauffement climatique mais jugée inconstitutionnelle à deux jours de son entrée en vigueur. Les Français devaient commencer le 1er janvier à payer cette taxe destinée avant tout à modifier leurs habitudes de consommation, en les incitant à se tourner vers les énergies les moins polluantes. L'année 2010 s'annonce compliquée pour le président français.