C'est bien que Benbouzid, le ministre de l'Education, se préoccupe de la levée des couleurs nationales dans les établissements scolaires. Mais il n'est pas sûr qu'une fois hissé, le drapeau puisse faire jaillir spontanément cette flamme tant attendue du patriotisme. Les écoliers et surtout les lycéens sont trop marqués par l'horrible environnement culturel et moral dans lequel ils vivent : l'histoire ne signifie pratiquement rien pour eux et leur esprit est sérieusement affecté par la culture environnante du mépris de soi et des autres. Les valeurs qui comptent le plus à leurs yeux ne font pas une large place à l'effort et à la quête du savoir ; elles se résument à la débrouillardise, au gain facile et à la quête d'un exil valorisé à l'extrême. A leurs yeux, l'Algérie n'est plus une terre qui peut faire vivre et faire épanouir, c'est juste un lieu de naissance. Lorsqu'ils sont questionnés sur leur passé, sur Larbi Ben M'hidi, Abane Ramdane et Hassiba Ben Bouali, leurs réponses sont édifiantes. Ces héros, et d'autres, sont d'illustres inconnus, au mieux réduits à des rues de villes. La langue de bois des manuels scolaires et le peu d'enthousiasme des enseignants, bridés par les programmes, ont fait détester l'apprentissage de l'histoire enseignée sous le sceau de l'officialité. L'école est la grande victime de l'occultation de la mémoire entreprise par les vagues successives de dirigeants politiques qui se sont succédé à la tête du pays depuis l'indépendance. Les courants politico-idéologiques qui ont longtemps pris en charge l'éducation nationale ont fait le reste en diluant la nation algérienne dans une vague et douteuse nation arabo-islamique. C'est la déculturation de la population qui a fait le terreau de la terrible décennie 1990. Si aujourd'hui le poids des courants de pensée rétrogrades a faibli, il reste que le mal fait durant les décennies écoulées a laissé des traces indélébiles. Redonner aujourd'hui du patriotisme aux Algériens et pas seulement aux jeunes, c'est leur enseigner la vraie histoire, avec ses hauts et ses bas, ses grandeurs et ses pages sombres. C'est réussir une Algérie qui donne du travail, assure un toit et rémunère le travail et la compétence. Une Algérie qui bannit le piston et ne ressemble pas à celle des banques prédatrices, des affairistes sans foi ni loi et des dirigeants véreux ou incompétents. Une Algérie où il fait bon vivre et d'où l'intolérance sera bannie. C'est dans cette terre des ancêtres reconnus et des contemporains respectés que le drapeau national pourra être hissé le torse bombé et l'hymne national chanté à tue-tête.