Le sujet n'est pas de ceux qui se laissent aisément apprivoiser : semé d'embûches, chargé de soufre, hérissé de passions, il est de ceux qui, aussitôt soulevés, provoquent les troubles et alimentent les dissensus. Il n'est pas jusqu'au malaise conceptuel : terrorisme ? Jihad ? Violence ? Ces mots, si l'on n'y prend garde, peuvent sonner comme le cliquetis des armes : le premier peut paraître martial, le second légitimateur, le troisième attrape-tout. Mais à l'aune de cette économie du soupçon, tout devient suspect… Pour échapper à la force d'aspiration de l'idéologie, il est donc de bonne méthode d'émanciper ces termes de toute présupposition normative en les subordonnant à la neutralité axiologique qui gouverne aux sciences sociales. Comprendre les ressorts anthropologiques et les dynamiques sociologiques du « terrorisme islamique » sans avoir ni à le justifier, ni à le cautionner : tel est précisément le pari que voudrait relever le forum Les Débats d'El Watan en conviant à sa tribune Farhad Khosrokhavar et Abderrahmane Moussaoui. Sociologue et directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales, le premier mène depuis plus de vingt ans des enquêtes sociologiques de terrain en Iran et en France sur les formes d'islamisation radicale et le martyre islamique. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages dont Quand Al Qaîda parle. Témoignage derrière les barreaux (2006), L'Islam en prison (2004), Les nouveaux martyrs d'Allah (2002). Ses ouvrages sont considérés comme des références incontournables dans la compréhension du jihadisme ; ils sont traduits en plus de sept langues. Abderrahmane Moussaoui est anthropologue ; il est maître de conférence, à l'université de Provence et chercheur au CNRS. Il a publié en 2002 Espace et sacré au Sahara algérien (CNRS) : ce livre savant est le fruit d'une enquête anthropologique de terrain menée plusieurs années durant dans la région du Gourara et de la Saoura. Il est l'un des rares universitaires algériens à avoir travaillé sur les ressorts anthropologiques de la violence en Algérie. Il vient de publier De la violence en Algérie. Les lois du chaos (2006) dans lequel il se propose de dégager les logiques de l'horreur. En conviant ces deux spécialistes à sa tribune, le forum Les Débats d'El Watan, qui se tient cet après-midi de 14h à 18h à la salle Ibn Zeydoun de Riadh El Feth (Alger), entend s'inscrire dans le champ des sciences sociales et se tenir au plus loin de la controverse idéologique.