La concrétisation effective sur le terrain de l'accord conclu la semaine dernière à la Mecque entre le mouvement islamiste Hamas et le mouvement nationaliste Fatah, sous les auspices du roi Saoudien Abdallah, a commencé jeudi soir, lorsque le Premier ministre palestinien Ismaïl Haniyeh a présenté sa démission au président Mahmoud Abbas qui, de son côté, l'a aussitôt chargé de constituer un gouvernement d'union nationale. Ghaza : De notre correspondant Lors d'une conférence de presse retransmise en direct par la télévision palestinienne, Ismaïl Haniyeh a lu la lettre de démission du 10e gouvernement qu'il a présidé depuis le 25 mars dernier. « En tant que chef du gouvernement actuel, je vous présente ma démission afin de permettre le lancement des démarches constitutionnelles pour la formation d'un gouvernement d'union », a indiqué Haniyeh. « Nous avons lancé aujourd'hui la procédure de formation du gouvernement d'union nationale. Le frère Ismaïl Haniyeh m'a présenté la démission de son gouvernement et je l'ai chargé de former un nouveau cabinet », a affirmé le président Abbas qui a lu un décret présidentiel dans lequel il a annoncé avoir accepté la démission du Premier ministre et demandé au gouvernement actuel d'expédier les affaires courantes jusqu'à l'entrée en fonction de ce gouvernement d'union, le premier dans l'histoire des Palestiniens. Il a précisé que le Premier ministre disposait d'un délai de cinq semaines pour former le nouveau cabinet et le lui présenter avant de le soumettre à l'approbation du conseil législatif (Parlement). « Je vous invite aussi à respecter les résolutions arabes et internationales et les accords signés par l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) », a poursuivi Abbas, conformément à l'accord de La Mecque (Arabie Saoudite). L'ambiance chaleureuse dans laquelle s'est déroulée la conférence de presse a mis du baume dans les cœurs des Palestiniens qui ont longuement souhaité posséder une direction unie politiquement, ce qui éloigne le spectre de la guerre fratricide à l'image des récents affrontements qui ont opposé les partisans du Hamas et du Fatah au cours desquels 90 personnes ont été tuées et permettra de replacer, de nouveau, la cause nationale comme première priorité. Le futur cabinet de coalition laisse espérer une levée du boycott international imposé aux Palestiniens depuis la formation de l'actuel gouvernement par le Hamas, suite à sa victoire massive aux dernières législatives. Les Etats-Unis et l'Union européenne considèrent le Hamas comme une organisation terroriste avec laquelle il ne faut pas traiter. Cet embargo a plongé les territoires palestiniens dans une crise politico-financière jamais égalée. L'économie palestinienne était déjà souffrante à cause des mesures oppressives exercées par les Israéliens, dont les fermetures quasi permanentes des points de passage entre les territoires et l'Etat hébreu, des terminaux internationaux entre la Palestine et les pays avoisinants, les incursions répétées de l'armée israélienne, les assassinats et les arrestations qui n'ont jamais cessé. Cela a conduit à la paralysie du gouvernement Hamasaoui qui a été incapable de tenir les promesses lancées par le mouvement islamiste lors de la campagne électorale. Durant plus de 10 mois, démunis des aides occidentales directes, le gouvernement n'a que partiellement versé les salaires des 160 000 fonctionnaires de l'Autorité palestinienne, il en a résulté une hausse vertigineuse du taux de pauvreté. Blocus maintenu ? Sous ces énormes pressions, les divergences entre les deux pôles de la vie politique palestinienne n'ont fait que s'agrandir, finissant par des combats meurtriers, surtout dans les rues de Ghaza. Le prochain gouvernement d'Union nationale sera-t-il en mesure de mettre un terme à l'embargo international et de replacer la cause palestinienne parmi les priorités de la communauté internationale ? C'est la question que tout le monde se pose actuellement. Selon des sources diplomatiques palestiniennes proches du président Abbas, Washington a l'intention de boycotter tous les ministres du futur gouvernement palestinien, qu'ils soient du Hamas, du Fatah ou indépendants, si ce gouvernement ne se plie pas aux exigences de la communauté internationale — reconnaissance d'Israël, renonciation à la violence et respect des accords passés entre l'OLP et l'Etat hébreu. « Les Américains nous ont informés qu'ils boycotteraient le nouveau gouvernement dirigé par le Hamas. Les ministres du Fatah et les indépendants seront traités de la même manière que les ministres du Hamas », a dit jeudi un responsable palestinien. La Maison-Blanche, par la voix de son porte-parole Tony Snow, a déclaré jeudi que les conditions des Etats-Unis restaient les mêmes vis-à-vis d'un gouvernement palestinien, à commencer par la reconnaissance du « droit à l'existence d'Israël », tout en réaffirmant la volonté américaine d'une « solution à deux Etats », israélien et palestinien. La réunion qui devrait avoir lieu en Israël, le 19 février prochain, entre le président Abbas et le premier ministre israélien Ehud Olmert, en présence de la secrétaire d'Etat Américaine Condoleeza Rice, dont le but est de relancer le processus de paix, n'aurait plus de raison de se tenir au cas où les Etats-Unis décident de boycotter le nouveau gouvernement qui, selon la loi palestinienne, n'a aucun rôle dans les négociations de paix qui sont du ressort de l'OLP.