L'examen du compte revenus-dépenses révèle que la part de la rémunération des salariés dans le revenu brut des ménages est sur une tendance baissière, alors que celle des indépendants est stationnaire. L'évolution à la baisse de la part de la rémunération des salariés dans le revenu brut des ménages s'est accompagnée d'une dégradation du pouvoir d'achat global des salariés. Autrement dit, le pouvoir d'achat des Algériens est en constante dégringolade. Ce constat est fait par les experts du Conseil national économique et social (CNES) dans le cadre du 6e Rapport national sur le développement humain (RNDH), présenté jeudi dernier. En partant des données fournies par l'Office national des statistiques (ONS) sur les rémunérations, le chômage et l'inflation, les statisticiens du CNES parviennent à situer la moyenne annuelle de la baisse du pouvoir d'achat du salaire moyen à 1,7% depuis 2001. En cumulé sur la période 2001 à 2004, la chute serait de 5%. En effet, les analystes du CNES qui accréditent la variation moyenne annuelle de la rémunération des salariés à près de 9%, l'expliquent moins par un gain en salaires que par l'effet de volume avec l'augmentation des effectifs située dans une moyenne de 7,8%. Le rythme de création d'emplois enregistré est de 6,6% en moyenne par an, correspondant à la création de plus de 1,8 million d'emplois nouveaux. Ce qui a permis de satisfaire toute la demande nouvelle de travail, estimée à 924 000 personnes et de réduire sensiblement le stock de chômeurs de près de 900 000 individus. A la lumière de ces données, le taux de chômage a reculé de 12 points de pourcentage. Ce dernier a atteint 15,3% en 2005 et en 2006. L'inflation, facteur déterminant dans l'analyse du pouvoir d'achat, s'est établie à 2,5% sur la période de référence. La perte de pouvoir d'achat ne concerne pas uniquement les salariés du secteur public, mais, également, ceux relevant de la sphère privée avec un recul de 5,2%. Les rédacteurs du RNDH, qui ne manquent pas d'attirer l'attention sur les variations de pertes entre les secteurs, corroborent leurs conclusions par l'étude LSMS-CENEAP de 2005 et l'enquête du ministère du Travail et de la Protection sociale sur les salaires dans le secteur économique. D'après l'étude LSMS-CENEAP 2005 : « Plus de 74,3% de l'ensemble des revenus est constitué par les revenus salariaux, les transferts réguliers et les revenus salariaux non permanents ; 68,2 % des ménages ont contracté un emprunt. 46,43% d'entre eux consacrent les sommes empruntées aux dépenses courantes en raison, probablement, de la faiblesse des revenus et près d'un tiers (31,6%) des ménages algériens s'endettent pour des dépenses courantes. » Pour les experts du CNES : « Cette situation nouvelle pour les ménages algériens est révélatrice des difficultés financières de près du tiers de ces personnes. » Les augmentations de salaires de 2006 auront « certainement » un effet positif sur le niveau de vie des salariés, prédit le CNES. Cependant, l'instance consultative attire l'attention sur le fait qu'« une amélioration du pouvoir d'achat ne signifie pas nécessairement un pouvoir d'achat fort ». « En effet, explique le document du CNES, si l'inflation est faible, une légère augmentation des salaires peut suffire pour obtenir un gain en pouvoir d'achat. Ce gain peut s'avérer insuffisant si une perte de pouvoir d'achat s'est accumulée auparavant. C'est cette situation qui a prévalu durant la période de gestion administrée de l'économie avec un bas niveau des salaires et un pouvoir d'achat élevé grâce à un soutien des prix pour les produits de première nécessité. L'ajustement qui a suivi a libéré progressivement les prix, sans que les salaires ne suivent le même rythme. » Les effets négatifs qui ont causé une baisse du salaire moyen réel (tous secteurs confondus) de 20% entre 1989 et 2004 se poursuivent aujourd'hui avec le « sentiment d'appauvrissement ». Lequel sentiment ne s'est pas dissipé, même avec l'amélioration de la situation économique du pays et les augmentations de salaires. Le Cnes relève que le PIB par habitant est passé de 1496,8 dollars en 1995 à 3116,7 dollars en 2005, soit un accroissement annuel de 7,6% pour une augmentation annuelle de la population de 1,6%. Le PIB en Parité de pouvoir d'achat (PPA), c'est-à-dire réajusté pour des raisons de comparabilité avec le reste des pays, est passé de 4629,4 dollars PPA en 1995 à 7749,3 dollars PPA en 2005, soit une amélioration annuelle de 5,3%. Une amélioration qui ne s'est pas répercutée sur les revenus des ménages puisque cette amélioration du PIB/capital reste très volatile en raison de sa dépendance de la fluctuation des prix des hydrocarbures.