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« Nous sommes dans une société qui évolue à plusieurs vitesses »
Mohamed Saïb Musette. Sociologue et chercheur au Cread
Publié dans El Watan le 01 - 12 - 2009

En matière de salaires, l'Algérie peine à ébaucher une vraie politique salariale, quel est votre avis ?
Parler de « politique salariale » me semble assez restrictif, il faut peut-être élargir le champ et introduire des éléments en vue d'élaborer une politique « des salaires et des revenus », car le monde du travail est en pleine métamorphose ces dernières années. Des écarts de plus en plus importants sont observés, avec un enrichissement rapide d'une frange de la société et une paupérisation rampante des travailleurs, y compris ceux de la couche inférieure des classes moyennes qu'on croyait à l'abri de la misère. C'est ce projet de société qu'il convient d'examiner, la politique nationale implicite agissant sur l'évolution de tous les segments du monde du travail. Il suffit pour cela de voir les mécanismes mis en œuvre pour faire évoluer la masse salariale et le revenu des indépendants, par exemple. A titre d'exemple, une récente étude sur le marché du travail en Algérie (2009) indique que l'évolution de la Rémunération totale des salariés (RS) s'est caractérisée par une baisse tendancielle de son poids dans le Revenu national disponible (RND). La baisse, de près de 6 points de pourcentage entre 2001 et 2006, a bénéficié à l'excédent net d'exploitation, qui constitue la rémunération du capital, dont la part dans le RND a progressé de près de 10 points de pourcentage, pour se situer à 66% du RND. Par rapport au Produit intérieur brut (PIB), les proportions de la RS sont de 23% et 17,7% respectivement en 2001 et 2007. A titre de repère, ce ratio était de près de 50% en 2005 pour toute la zone euro (moyenne). De même, le poids des revenus salariaux dans le revenu brut des ménages (RBM) est aussi sur une tendance baissière (35,5% en 2001 et 34,5% en 2006), baisse qui a profité aux indépendants dont les revenus ont amélioré leur part de 1,4% pour atteindre 45,3% du RBM. Le poids des transferts monétaires est resté stable à un peu plus de 20%. Nous sommes bien dans une société qui évolue à plusieurs vitesses. Le dernier rapport de l'OIT sur les salaires dans le monde (2008/2009) appelle la tripartite à s'inscrire dans cette voie, car les salariés sont les premières victimes de la crise financière mondiale.
Et pour en revenir à la politique salariale proprement dite…
C'est un sujet récurrent dans l'histoire du salariat. Trois niveaux de lecture sont possibles. Au plan social, la politique salariale est censée poursuivre des objectifs sociaux qui visent la répartition équitable des revenus, la satisfaction des besoins essentiels du travailleur et de sa famille, le tout fondé sur la paix sociale. Au plan économique, la politique salariale vise l'accroissement du pouvoir d'achat des ménages de manière à stimuler la production, d'améliorer la productivité des travailleurs et du rendement de l'entreprise. Au plan politique, elle a pour objectif d'assurer la stabilité du système, avec une répartition des revenus entre les différentes catégories de la population afin de garantir une certaine cohésion sociale. En matière de salaires, l'intervention de l'Etat ne se résume pas strictement à la fixation du salaire minimum ni encore la fixation des salaires de la Fonction publique, mais aussi au respect de l'application des conventions collectives, librement convenues entre les représentants des travailleurs et les employeurs. La mise en œuvre d'une politique salariale, dans cette vision, impose des conditions préalables, fondées sur une observation permanente des éléments structurants de la formation des salaires et des revenus dans le monde du travail. Cette observation est faite en Algérie, elle n'est ni régulière ni constante et reste assez globale. Une fraction des salariés et des employeurs émarge dans des activités informelles, à la marge de la légalité et bénéficient parfois d'une certaine légitimité. Il suffit là aussi de voir les données de la CNAS, pour comprendre les écarts entre salariés immatriculés et le nombre de salariés estimé par l'ONS. Chacun peut trouver des justificatifs de l'état des lieux, mais personne ne peut affirmer que ce résultat n'est pas le produit d'un processus en œuvre, d'une politique implicite.
A l'approche de la date de la tripartite, la question du SNMG est posée avec acuité, les uns réclament une revalorisation conséquente, tandis que les autres craignent des répercussions sur les prix…
La revalorisation du SNMG est absolument vitale dans la conjoncture actuelle mais elle ne doit pas faire oublier la nécessité d'une politique nationale des salaires et des revenus. Il est vrai que le SNMG a pour fonction économique principale l'ajustement du pouvoir d'achat des salariés. Dans la pratique algérienne, il existe plusieurs autres fonctions secondaires, mais très importantes, à savoir l'indexation du calcul de l'assiette de la sécurité sociale, de la retraite, de l'indemnité chômage, des apprentis, du salaire des cadres d'entreprises, des magistrats… et la toute dernière du montant de prêt bancaire pour l'accès au logement social au seuil fixé par le SNMG. La position de l'Etat est lisible par les limites fixées dans la loi de finances 2010. L'incidence financière de cette revalorisation est déjà estimée, aucune négociation ne saurait transgresser ces limites. Certes, il existe aussi une incidence sur les entreprises, et c'est pour cela aussi que le patronat participe à la négociation tripartite. Les entreprises du secteur formel ne peuvent procéder à des rémunérations inférieures au salaire minimum journalier et mensuel selon les textes. Le nombre de salariés déclarés par le secteur privé à la CNAS dans cette classe de salaires est assez faible. L'incidence serait plutôt ressentie au niveau de l'échelle des salaires, l'évitement d'un écrasement de l'échelle à la base est à renégocier au niveau des conventions d'entreprises. Il est évident aussi que les effets d'entraînement d'une hausse du SNMG sur les prix n'est pas à écarter. Mais le système de prix en Algérie n'est pas fondamentalement lié au salaire. Cette hypothèse mérite aussi une étude approfondie, car il existe d'autres paramètres endogènes et exogènes qui influent sur la fixation des prix des produits.
Lorsqu'on parle des salaires, certains experts estiment que le niveau des rémunérations est trop bas par rapport aux pays voisins. Avez-vous des données à ce sujet ?
La comparaison des systèmes des salaires au Maghreb n'est pas aisée et pourtant comme vous le dites, certains « experts » se prononcent sur les différences observées sans pour autant s'engager dans une approche comparatiste rigoureuse. Dans son dernier rapport sur les salaires dans le monde, les experts de l'OIT notent l'indisponibilité de données pour les pays africains « no data available for Africa » ! A ma connaissance, il n'existe pas de recherche scientifique comparative conduite sur les pays du Maghreb. Nous avons tenté un essai de comparaison en 2003 dans le cadre d'une étude, financée par le BIT. Les systèmes de rémunération possèdent beaucoup de différences et peu de similitudes. Bien que ce soit un bon argument pour les luttes syndicales, il me semble assez élémentaire de procéder à une comparaison des salaires minima ou encore des salaires des fonctionnaires dans les pays du Maghreb. L'informel est rampant dans les trois pays. Nous n'avons pas le même système de protection sociale, ni encore le même mode d'accès à l'emploi, à la santé, à l'école et au logement. La nature des primes aussi diffère d'un pays à l'autre. Puis il y a aussi la part des gains en nature souvent non comptabilisés… Enfin, pour qu'il y ait un alignement des salaires algériens à ceux de nos voisins, l'analyse doit être approfondie sous deux principales conditions : réduction substantielle des effectifs de salariés permanents et augmentation de la part du PIB destinée à la Fonction publique. Ce sont là les deux paramètres importants qui autorisent un alignement. Est-ce que la société est prête à ce sacrifice ? Je ne pense pas, car il y va aussi des effets d'entraînement de ces mesures, baisse des dépenses de soins et de dépenses d'éducation. La saisie des salaires et de revenus ne doit pas être un exercice conjoncturel mais doit s'inscrire dans une observation permanente, avec une amélioration constante des techniques d'analyse, etc.
Des voix s'élèvent pour mettre en avant l'inadéquation des salaires avec le taux de productivité réel. L'idée selon laquelle les salaires sont une sorte de distribution de rente vous semble-t-elle acceptable ?
Il faut qu'il y ait connexion d'abord entre salaire et productivité pour qu'on puisse parler de déconnection. La loi portant sur le salaire minimum inclut ce critère dans le mode de fixation du seuil horaire minimum. Là aussi, on sombre souvent dans des réflexions globales sans avoir des études fines sur la productivité/horaire de travail réel. Le mode de rémunération pratiqué en Algérie fait appel à plusieurs composants qu'il faut identifier dans chaque secteur et chaque branche économique, notamment du système productif formel et informel. En Algérie, il existe certes des réflexions engagées dans ce sens mais pas des travaux d'étude et/ou de recherche à ma connaissance. Disserter sur les éléments macros est important mais pas suffisant pour une analyse objective des tendances et des prédictions. C'est une grosse lacune qu'il faut combler par nos économistes. L'idée selon laquelle les salaires seraient une distribution de la rente est à relativiser selon les secteurs juridiques, hors administration et services non marchands, souvent assimilés à une niche de rentiers dans les discours. Pour moi, le salaire est la contrepartie du travail réalisé dans les conditions actuelles de nos entreprises qui restent peu concurrentielles. Aucun patron privé ne verserait un salaire à un ouvrier sans contrepartie, vu les coûts actuels de l'emploi. L'amélioration de la productivité des facteurs est importante mais force est d'admettre que la qualité des ressources humaines disponibles (35% des travailleurs sont de niveaux primaire ou analphabète, 52% ont atteint les niveaux moyens et secondaires, et seulement 12% ont fait des études supérieures) ne saurait atteindre le niveau requis pour entrer dans la concurrence mondiale. Cette contrainte de capital humain est souvent oubliée dans la littérature actuelle qui fait état de l'existence d'une abondance de ressources compétentes et employables !
Quelle est la valeur du travail aujourd'hui en Algérie ?
C'est une question de fond du point de vue sociologique dans le monde du travail : quelle place occupe la valeur travail dans notre échelle des valeurs ? Les premiers éléments de notre sondage montrent un recul de la valeur travail, sous un angle assez inquiétant relatif à la rémunération : qu'on travaille ou qu'on ne travaille pas, on a le même salaire ! C'est l'esprit rentier qui domine dans certaines sphères du secteur public. Celui qui ne travaille pas exige aussi une part des bénéfices rapportés par ceux qui travaillent. Ce qui conduit, à la longue, à une démotivation généralisée ou la conscience professionnelle est l'unique élément qui permet encore à des établissements, des sociétés, notamment dans le secteur public de maintenir le cap, tandis que d'autres entreprises sont toujours maintenues en vie grâce à la perfusion opérée par le Trésor public.


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