La question du Kosovo revient cette semaine sur le devant de la scène internationale. Sans, il est vrai, le fracas des bombes d'il y a huit ans et son cortège de morts et de destructions qui n'ont pas épargné la Serbie soumise aux bombardements de l'Otan. Mais avec la même équivoque, ou encore la grosse controverse. Que va devenir cette province poussée à l'indépendance sinon encouragée par l'Occident dans son séparatisme ? Ce même Occident n'a plus aujourd'hui de réponse. Il croyait l'obtenir des dirigeants serbes, en négociant au besoin le retour de la Serbie dans le concert des nations, et au bout des relations privilégiées, sinon l'intégration au sein de l'Union européenne. Mais ces derniers, toutes tendances confondues, ont en commun le nationalisme qui les amène à refuser l'indépendance du Kosovo comme le propose un projet de règlement soumis par l'ONU. Belgrade est prêt à « tout accepter » pour le futur statut de la province serbe du Kosovo, sauf que ce territoire ait un siège à l'ONU et une armée, a déclaré le principal conseiller du Premier ministre serbe Vojislav Kostunica . « Nous n'exigeons que le respect des frontières actuelles (de la Serbie).Concernant le degré d'autonomie du Kosovo, nous sommes prêts à des compromis maximaux. Les Albanais auraient le pouvoir absolu », a affirmé ce proche de M. Kostunica, Vladeta Jankovic. « En résumé, nous serions prêts à tout accepter, sauf un siège à l'ONU et une armée pour le Kosovo », a-t-il souligné. C'est aujourd'hui à Vienne que Serbes et Kosovars se retrouvent avec l'envoyé spécial de l'ONU, Martti Ahtisaari, pour examiner ensemble le projet que ce dernier compte soumettre à la mi-mars pour approbation au Conseil de sécurité. Belgrade ne veut pas lâcher cette région, peuplée à 90% d'Albanais et considérée comme le berceau de la culture serbe, alors que Pristina aspire à l'indépendance, un mot qui ne figure pas dans le projet de statut révélé le 2 février par M. Ahtisaari. Il y est plutôt question de souveraineté sous surveillance internationale, principalement de l'Union européenne, alors que la province est sous administration de l'ONU depuis 1999. Près d'un an après le début du processus de négociation de ce statut, dans la capitale autrichienne, les discussions seront menées, côté serbe, par les conseillers du président Boris Tadic et du Premier ministre sortant Vojislav Kostunica. Côté kosovar, la délégation devrait être dirigée par le vice-Premier ministre Lufti Haziri, mais aucun nom n'a été officiellement annoncé de part et d'autre. Les discussions devraient se poursuivre jusqu'au 1er mars, suivies d'une réunion finale le 10 mars avant la remise du document peaufiné par M. Ahtisaari à la mi-mars au Conseil de sécurité de l'ONU. Belgrade table sur un veto de Moscou conforté par les propos récents de Vladimir Poutine. Le président russe a laissé entendre qu'il s'opposera au Conseil au plan Ahtisaari s'il ne fait pas l'objet d'un accord de Pristina et de Belgrade. Les discussions de Vienne s'annoncent ardues, chacune des deux parties refusant tout compromis contraire à ses intérêts. M. Ahtisaari a expliqué qu'il « ne croyait pas aux miracles » mais tenait à « sincèrement donner aux parties une chance de plus de se retrouver ». Le parlement serbe a rejeté le projet dans son ensemble car il vise, selon les Serbes, à octroyer à terme l'indépendance à cette province du sud représentant 15% de leur territoire. Le vote serbe avait donné lieu à de violentes manifestations anti-Serbes à Pristina. « Nous voulons être constructifs à Vienne, mais il n'y aura, bien entendu, aucun compromis concernant la préservation de notre intérêt national au Kosovo », a souligné Vuk Jeremic, conseiller du président serbe Tadic. Côté kosovar, on ne voit « aucune marge possible pour de nouveaux compromis avec Belgrade », selon Skender Hyseni, porte-parole des négociateurs de Pristina. Les Albanais du Kosovo veulent obtenir, selon lui, des précisions sur la représentation des minorités et les liens entre les municipalités. Dans le projet de M. Ahtisaari, les municipalités serbes du Kosovo devraient jouir d'un certain degré d'autonomie. Le texte propose que le Kosovo se porte candidat aux diverses institutions internationales et dispose comme un Etat souverain d'une Constitution, d'un drapeau et d'un hymne. « Il n'y a pas d'alternative réaliste à notre proposition », a renchéri l'adjoint de M. Ahtisaari, Albert Rohan. « De fait, le Kosovo n'est déjà plus sous administration serbe depuis 1999 et dans la pratique cela ne changerait donc pas grand chose pour la Serbie », a-t-il ajouté, « si ce n'est que la région entière pourrait enfin se concentrer sur les vrais problèmes : développement économique, modernisation des institutions et rapprochement de l'UE ». En tout état de cause, Martti Ahtisaari espère que la question du statut soit réglée avant la fin de la présidence allemande de l'Union européenne (UE), fin juin. Il a souligné qu'une fois son plan définitivement arrêté et transmis au Conseil de sécurité, vers la fin mars, « il sera hors de (son) contrôle ». « Je m'attends à ce qu'ils (les membres du Conseil) fassent leur travail », a-t-il dit. Mais dans un moment de franchise, M. Ahtisaari s'est dit sceptique quant aux chances d'une solution négociée « tant les vues des parties sont diamétralement opposées ». Retour donc à la case départ, sauf que cette fois, l'ONU doit mettre fin à sa mission, démanteler son administration, et quitter ce territoire, mais à qui le rendre ? Toute la question est là. Une question sans réponse.