Le monde suit avec la même attention la situation née de la proclamation, il y a une semaine, de l'indépendance du Kosovo. Les rues de Belgrade ne désemplissent pas et la colère à vrai dire s'amplifie contre ce qui est considéré comme un coup de force des Kosovars, mais aussi celui d'une communauté internationale qui a prouvé son parti pris. D'autres se penchent aussi sur les conséquences allant bien au-delà de la colère des Serbes, pensant tout d'abord à d'autres Serbes, notamment à ceux du Kosovo et de Bosnie qui pourraient faire sécession. C'est ce qui alimente notamment les réactions russes et du premier d'entre eux. En effet, le Président russe a déploré, vendredi, la proclamation d'indépendance du Kosovo, un « horrible » précédent qui va revenir comme un boomerang « dans la gueule » des Occidentaux. « Le précédent du Kosovo est un précédent horrible. De facto, il fait voler en éclats tout le système des relations internationales existant, pas seulement depuis plusieurs dizaines d'années, mais depuis des centaines d'années », a fustigé Vladimir Poutine. Evoquant les pays qui ont reconnu la proclamation d'indépendance du Kosovo, le Président russe a estimé que la situation aurait des « conséquences imprévisibles ». « Ils ne pensent pas aux conséquences de ce qu'ils font. Au final, c'est comme un bâton à deux extrémités et l'une des extrémités va un jour leur revenir dans la gueule », a ajouté le Président russe à l'adresse des Européens et des Américains. Abondant en ce sens, un proche du président Poutine a estimé, hier, que la reconnaissance par l'Occident de l'indépendance du Kosovo revenait à « armer un fusil » qui est maintenant prêt à tirer ou encore, ajoutera ce responsable, la reconnaissance du Kosovo risque de « lâcher une puissante machine de destruction et les conséquences en sont imprévisibles ». Plus tôt dans la journée de vendredi, le représentant de la Russie à l'Otan, Dmitri Rogozine, avertissait que la Russie se réservait le droit d'« utiliser la force » si l'Otan ou l'Union européenne « défie » l'ONU sur le Kosovo. « Si aujourd'hui l'Union européenne adopte une position unie (sur la reconnaissance du Kosovo, ndlr) ou si l'Otan dépasse son mandat au Kosovo, ces organisations vont défier l'ONU et nous allons alors nous aussi partir du fait que nous devons utiliser une force brutale qu'on appelle une force armée, pour qu'on nous respecte », a affirmé Dmitri Rogozine. « Nous n'avons aucun doute que prochainement des bases militaires de l'Otan seront déployées au Kosovo », a-t-il ajouté. « Cela ne fait pas partie de leur mandat. Si ces informations sont confirmées, nous aurons un dialogue assez difficile avec nos partenaires et une évolution dramatique dans les discussions entre la Russie et l'Otan est possible », a-t-il mis en garde. Parallèlement, la Russie a « regretté » les violences survenues jeudi à Belgrade, mais en a fait endosser la responsabilité aux pays qui ont reconnu « unilatéralement » l'indépendance du Kosovo. De son côté, Washington a laissé percer, vendredi, sa frustration à l'égard du « cynisme » de Moscou sur le Kosovo. « Les Russes ont une politique assez cynique », a déclaré, vendredi, le numéro trois du département d'Etat, Nicholas Burns, interrogé sur la chaîne de télévision américaine Fox sur les attaques de la veille contre des ambassades à Belgrade, notamment celle des Etats-Unis, par des manifestants serbes hostiles à l'indépendance du Kosovo. « Ils ne sont pas au Kosovo, ils ne font rien pour aider les Kosovars. Ils restent donc en retrait et ils sont généralement peu coopératifs », a ajouté M. Burns, secrétaire d'Etat adjoint chargé des Affaires politiques. Que faire, serait la question idoine, sauf que là, elle n'a plus de sens, les jeux étant apparemment faits, puisque le nouvel Etat a été reconnu par quelques pays, tranchant avec la vision optimiste des dirigeants kosovars.