Comparativement à d'autres pays d'Afrique et même d'ailleurs, il est difficile de parler de violence préélectorale au Sénégal, même s'il y a des débordements et aussi des blessés. Mais indéniablement, ce pays, qui doit renouveler aujourd'hui le mandat présidentiel, vit une période difficile que les chancelleries refusent de négliger. A l'image des Etats-Unis qui ont recommandé vendredi d'éviter de se rendre au Sénégal au cours des deux prochaines semaines, évoquant les récentes violences survenues à Dakar à l'occasion de la campagne pour la prochaine élection présidentielle. Remarquons la période. Elle correspond au délai légal prévu entre deux tours. Autrement dit que les Etats-Unis n'excluent pas un second tour ou encore, le président sortant Abdoulaye Wade n'est pas sûr de décrocher un nouveau mandat. Au cours des quinze derniers jours, des violences ont opposé les partisans de différentes formations politiques à travers le pays, a ajouté le département d'Etat. « L'ambassade américaine s'attend à ce que ce type de violences se poursuivent, et peut-être s'aggravent après les résultats de l'élection », a-t-il précisé. Des affrontements entre sympathisants du président sénégalais sortant Abdoulaye Wade et de son ex-Premier ministre Idrissa Seck ont entaché une campagne globalement calme. En tout état de cause, le président sortant a affirmé vendredi soir qu'il ferait « respecter l'ordre » pendant et après l'élection présidentielle. Ces derniers jours, plusieurs dirigeants de l'opposition ont affirmé que M. Wade, confronté à 14 adversaires, ne pouvait pas gagner au premier tour, sauf à recourir à la fraude, ce qui provoquerait des violences. Le président sortant, âgé de 80 ans et élu en 2000 au second tour, a réaffirmé qu'il était « optimiste » sur une victoire dès le premier tour. « Je suis très optimiste après mon périple au Sénégal. Il ne devrait pas y avoir de problèmes pour une élection au premier tour. Je me demande où l'opposition peut glaner des voix », a-t-il poursuivi. Pressé de questions par les journalistes sur un éventuel deuxième tour, il a répondu : « Je ne peux pas l'envisager. Ce n'est pas possible. » Sur les accusations de fraudes, il a lancé : « Dans tous les pays du monde, les perdants accusent toujours les fraudes. » « La tricherie est impossible, mathématiquement impossible », a-t-il affirmé en détaillant longuement toutes les mesures anti-fraudes prises. Depuis vendredi minuit, les Sénégalais, qui ont vécu une transition tranquille et qui se plaisent à rappeler que leur pays n'a jamais connu de coup d'Etat, se croisent les doigts. Ils sont persuadés que leur pays connaîtra aujourd'hui un scrutin à risque. Lancée officiellement le 4 février, l'opération de séduction des électeurs a pris fin vendredi, bouclant près de trois semaines d'une campagne globalement calme jusqu'aux échauffourées de mercredi soir qui ont fait une dizaine de blessés. Les principaux candidats ont décidé d'exposer leurs derniers arguments électoraux à Dakar et dans sa banlieue, où réside une grande partie des plus de 4,9 millions d'électeurs appelés aux urnes. Abdoulaye Wade brigue un nouveau mandat pour « continuer à bâtir le Sénégal ». Quant au libéral Idrissa Seck, 47 ans, ex-dauphin de M. Wade passé dans l'opposition, il prétend apporter « le vrai changement » dans le pays. L'opposant socialiste Ousmane Tanor Dieng, 60 ans, ambitionne de « donner un nouvel élan » au pays. Quant au socialiste dissident Moustapha Niasse, 68 ans, ex-Premier ministre des présidents Abdou Diouf et Abdoulaye Wade, il se présente comme « l'homme d'Etat crédible ». Ces quatre candidats présentés sont considérés comme les favoris. Caravanes et autres meetings ont donné des couleurs et créé une certaine animation. Qui en sortira vainqueur ? Mais quel qu'il soit, sa tâche sera lourde, et bien difficile. Le Sénégal a réussi son pari de l'ouverture démocratique, mais tout le reste attend.