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Les sablières de la Soummam : Entre pollution et besoins locaux
Publié dans El Watan le 26 - 02 - 2007

L'exploitation industrielle du sable de la Soummam n'a commencé qu'au tout début des années 1990, lorsque l'Etat avait accordé des concessions de 10 ans renouvelables à des investisseurs privés.
Même si on n'a accordé aucune nouvelle concession depuis 1999, en 15 ans à peine, les sablières ont radicalement transformé le lit de la Soummam et détruit au passage son fragile écosystème. Dix-sept sablières y sont actuellement recensées, dont 15 concentrées entre Tazmalt et Akbou sur un itinéraire d'à peine une vingtaine de kilomètres. L'extraction de matériaux alluvionnaires du lit d'un oued est pourtant une activité dûment réglementée et balisée par trois textes de loi. Le décret 86/226 du 2 septembre 1986 relatif à la concession d'extraction des matériaux, l'instruction du chef du gouvernement du 11 mars 1999 ainsi que la loi 05/12 du 4 août 2005 relative à l'eau. A cet arsenal juridique, il faut ajouter le cahier des charges relatif à la concession d'extraction de matériaux auquel tout investisseur est censé se conformer. La réalité du terrain n'est hélas pas celle des textes juridiques. A titre d'exemple, les conditions techniques d'exploitation stipulent expressément que l'extraction de matériaux sur le domaine public hydraulique est strictement interdite à moins de 2 km d'une agglomération, à moins de 200 m de part et d'autre des infrastructures et ouvrages d'art, à moins de 1000 m des ouvrages de prises d'eau en amont et 200 m en aval, à moins de 1000 m de rayon des forages ou puits et dans les lits d'oueds attenants à des aires d'irrigation ou à des périmètres irrigués. Autant de professions de bonne foi qui ne résistent pas à un petit tour sur les sites d'extraction devenus des paysages lunaires de cratères béants et de monticules de gravats. Pourtant l'article 15 du cahier des charges stipule que les extractions de matériaux doivent être conduites de façon à faciliter l'écoulement des eaux et à ne pas donner lieu à des excavations pouvant créer des gîtes à larves de moustiques. A l'activité des sablières, qui tournent pour la plupart en 3x8, il faut ajouter des chantiers occasionnels octroyés aux grandes entreprises de bâtiment qui sollicitent des autorisations temporaires d'extraction pour répondre aux besoins de leurs projets. On leur affecte alors un site, un volume à extraire et un délai à respecter. Le problème le plus crucial est cependant relatif à l'eau dont les sablières sont très gourmandes. Pour laver le sable et les alluvions qu'elles extraient, elles ont besoin de très grosses quantités d'eau qu'elles vont pomper de la nappe phréatique. Pour cela, elles rentrent directement en concurrence avec les forages de dizaines de villages et d'agglomérations situés le long de la vallée de la Soummam. Des forages qui font appel à des sondes qui peuvent descendre en profondeur pour chercher l'eau là où elle est. Ce qui n'est pas le cas des puits traditionnels dont se servent les propriétaires des petites exploitations agricoles et qui ont vu ces dernières années leurs puits s'assécher progressivement. Ceux qui persistent à irriguer leurs cultures doivent creuser toujours plus profondément. Les conséquences d'une exploitation abusive de la nappe phréatique, conjuguées aux effets d'une sécheresse endémique, ont fait que les derniers paysans, complètement découragés, ont définitivement remisé pelles et pioches au grenier. Le long du lit de la Soummam labouré par les camions et les engins d'excavation, beaucoup d'oliveraies sont désormais abandonnées. Les sablières ne sont hélas pas la seule plaie de la Soummam qui ne charrie plus durant la saison sèche, de mai à novembre, que des eaux noirâtres et pestilentielles. Pour cause, elle reçoit quotidiennement 35 000 m3 d'eaux usées non traitées qui proviennent, au dernier recensement, de 120 points de rejet situés entre Tazmalt et El Kseur. En hiver, les 434 huileries que compte la wilaya, dont 20 pour la seule ville de Tazmalt, déversent des millions de litres de margine, un produit très toxique, directement dans le lit de l'oued. La plupart de ces huileries ne possèdent pas de bassins de décantation. Au jour d'aujourd'hui, les stations d'épuration pour les grandes agglomérations comme Tazmalt, Akbou et Sidi Aïch sont encore à l'état de projets qui dorment dans leurs cartons. En juillet 2006, une catastrophe écologique a touché Oued Boussellam, principal affluent de la Soummam. Des milliers de poissons sont morts brusquement, suite au déversement d'un produit très toxique dans le lit de l'oued. Les rejets industriels ou toxiques dans la Soummam ou dans ses principaux affluents ne relèvent pas d'une vue de l'esprit. Si l'on devait ajouter les décharges publiques et les dépôts sauvages, dont la Soummam est devenue le réceptacle quotidien, on comprendra que cette malheureuse rivière a atteint un seuil de pollution qui menace directement les centaines de milliers de citoyens pour lesquels elle constitue le principal, sinon l'unique, réservoir d'eau potable. Une activité appelée à disparaître Pour la quasi-totalité des sablières de la wilaya de Béjaïa, les arrêtés portant autorisation d'extraction des alluvions sont arrivés à expiration le vendredi 7 juillet 2006. Leurs demandes de renouvellement, pourtant déposées dans les délais, sont demeurées sans suite. Le lendemain de l'expiration des autorisations, le samedi 8 juillet, certains gérants de sablières ont reçu la visite d'éléments de la Gendarmerie nationale les sommant d'arrêter toute activité. Leurs carrières à l'arrêt, les gérants frappent alors à toutes les portes des autorités de la wilaya pour débloquer la situation, en vain. La seule chose qu'ils arrivent à obtenir est l'écoulement de leurs stocks en produits finis et semi-finis. Pour mieux défendre leurs droits et ceux des 1200 ouvriers, dont ils revendiquent la charge, ils se regroupent en collectif puis créent leur propre association professionnelle. Les autorités de leur côté ont institué une commission ad hoc composée de plusieurs services et chapeautée par les services de l'hydraulique de la wilaya. La commission se déplace sur site pour juger si les réserves émises à l'encontre des exploitations doivent être levées ou non. Actuellement, les renouvellements d'autorisation d'extraction se font au cas par cas, mais pour des périodes de six mois. Jusqu'au mois de septembre 2007, date de l'arrêt définitif des sablières. L'article 14 de la loi du 4 août 2005 stipule, en effet, que l'extraction des matériaux alluvionnaires par tous les moyens, et en particulier par l'installation de sablières dans les lits des oueds, est interdite. Le législateur a accordé une période de transition de deux ans qui s'achèvera donc en août 2007. En attendant ce jour fatidique, on leur demande de penser à leur reconversion en carrières de montagne. Certains exploitants lorgnent désormais du côté de ses nombreuses montagnes bleutées qui font l'essentiel du pays kabyle, mais là également il s'agit d'une quête difficile, voire impossible dans une région où la densité de la population est l'une des plus fortes au monde. A des habitants viscéralement attachés à leurs pitons rocheux, il faut ajouter une prise de conscience de plus en plus aiguë des problèmes liés à la préservation de la nature et de l'environnement. A partir d'août 2007, les palliatifs aux sablières seront enfin trouvés avec la mise en application de la circulaire interministérielle suggérant le recours au sable concassé (lire article de Djamel Zerrouk). De ce fait, le plan de développement de Béjaïa et de sa région n'est aucunement hypothéqué. En effet, il est inscrit au registre de très gros projets consommateurs de matériaux de construction comme le transfert des eaux du barrage de Tichy Haf, le lancement de stations d'épuration le long de la Soummam, l'élargissement de la RN 26, en plus des travaux de la pénétrante qui doit prolonger l'autoroute Est-Ouest de Bechloul vers Béjaïa. Voilà donc le défi qui se pose déjà avec acuité aux autorités de la wilaya.

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