Est-il possible de lancer une stratégie industrielle sans marché financier ? Abdelhamid Temmar, ministre des Participations et de la Promotion des investissements, n'y voit pas d'inconvénient, mais reconnaît les faiblesses. « Pour le marché financier, nous avons pris du retard. Nous n'avons jamais connu d'expériences par le passé », a-t-il déclaré hier lors de l'émission Forum de Mohand Saou sur la Chaîne III de la Radio nationale. Nous n'avons pas encore toutes les données suffisantes du marché pour faire vivre la bourse. Les entreprises privées ne font pas tout ce qu'il faut pour y aller », a-t-il ajouté sans préciser pourquoi le privé algérien boude la bourse. Il a rappelé les mesures engagées pour réformer le système bancaire et s'est félicité de l'expansion — visiblement rapide — de la française Société Générale et de l'américaine City Bank. Il ne s'est pas trop étalé sur la privatisation du Crédit populaire algérien (CPA), la première banque publique en Algérie en termes de chiffre d'affaires, évitant de répondre à la question sur les délais impartis à cette opération annoncée, et à plusieurs reprises, comme imminente. Abordant le volet des sociétés de capital risque, il a relevé qu'une loi a été déjà adoptée et que des prospections sont lancées pour créer ce type d'entités. A propos du foncier industriel, le ministre a eu cette réponse : « Nous avons commencé à régler ce problème d'une manière sérieuse puisqu'il existe déjà une agence. Nous allons travailler pour faire émerger un marché transparent du foncier. » Marché financier et foncier sont, pour lui, des problèmes liés au système économique dans son ensemble. La stratégie industrielle que le gouvernement envisage de lancer et qui sera abordée lors des « assises nationales », aujourd'hui au Palais des nations, à Club des pins, à l'ouest d'Alger, doit redonner un second souffle à l'entreprise algérienne. « Le FMI pense qu'il n'y a pas lieu d'avoir une stratégie industrielle puisqu'il suffit d'organiser le système pour qu'il soit efficient et capable d'absorber l'investissement. C'est un principe rationnel, mais théorique. En pratique, nous savons que la réalité injuste d'aujourd'hui n'autorise pas des entreprises du Sud à se hisser facilement au niveau des marchés de grande technologie. Raison pour laquelle il nous faut une stratégie avec des objectifs et des moyens clairs », a argué Abdelhamid Temmar. S'appuyant sur des « avantages absolus », que sont le gaz et le pétrole, cette stratégie vise, d'après lui, à protéger l'économie nationale de « l'asservissement » des multinationales et des grandes économies. « Nous nous sommes décomplexés par rapport à la grande industrie. Nous avons des capacités exceptionnelles, même si elles sont peu productives. Nous voulons que nos entreprises soient compétitives. Les produits de l'importation concurrencent nos produits », a-t-il dit. Au-delà de « la reconquête » du marché intérieur, l'entreprise algérienne doit, selon lui, se tourner vers l'exportation. Il a cité l'exemple des produits agroalimentaires et du ciment qui peuvent être écoulés facilement dans les marchés des pays voisins. L'Etat s'engage, d'après Temmar, à aider les PME, notamment privées, à se mettre à niveau et à affronter la compétition. Un appui sera accordé à « la requalification » des personnels devant intervenir dans la sphère industrielle et pour inciter les entreprises à s'intéresser à l'innovation et à la recherche d'application. « Ce n'est pas l'achat des machines qui fait l'industrialisation, c'est ce qu'il y a derrière », a-t-il expliqué. La stratégie industrielle qui, d'après Abdelhamid Temmar, n'a pas de délai, aura, à l'avenir, à maintenir la croissance économique à un niveau élevé. L'idéal, pour le ministre, est de sortir du cycle pétrolier et « rapatrier », d'une certaine manière, la décision liée à la croissance. Sans dire grand-chose sur les privatisations, Abdelhamid Temmar a tenté d'expliquer une démarche qu'il n'a pas cessé de défendre d'une manière ondulée depuis huit ans. « Si nous voulons avoir l'efficience, il est, dans 80% des cas, nécessaire de trouver un partenariat pour les entreprises publiques. Il faut sauvegarder l'entreprise, les emplois et les marchés », a-t-il dit. Peu porté sur le langage chiffré, Abdelhamid Temmar a annoncé le nombre de « 450 ou 430 » entreprises publiques privatisées jusqu'au début 2007. Dernière donnée en date : juin 2006. A l'époque, on avait parlé de 396 entreprises vendues. Aucun bilan détaillé ni aucune liste précise n'ont été rendus publics. « La privatisation est un élément de l'industrialisation », a indiqué le ministre. Le ministre a précisé qu'une dizaine de branches industrielles (sur les 55 que compte la comptabilité nationale) vont avoir « la priorité » dans la future stratégie. Il en sera de même pour les activités qui utilisent le gaz naturel comme énergie. « C'est moins coûteux », a dit Temmar. Il n'a avancé aucun précision sur l'importance des affectations budgétaires qui vont accompagner la future stratégie. « Nous n'avons pas de chiffres maintenant. On les aura après les assises. Nous n'avons rien décidé », a-t-il indiqué.