Hormis un retour sur les procédures et la critique de l'expertise, les derniers avocats, ceux essentiellement constitués pour Ahmed Fouatih Belkacem et Addou Samir, les deux plus gros commerçants cités dans cette affaire, n'ont pas été tendres, dans leurs plaidoiries, à l'encontre des responsables, pour ne pas dire propriétaires de la BCIA. « Il a vendu une villa pour 50 milliards et a constitué un dossier d'agrément qui est passé », s'est insurgé un avocat de Fouatih Belkacem au sujet duquel il ajoute : « Ce n'est pas moi qui ai donné l'agrément à cette banque et à la compagnie d'assurance. » « Les déclarations au procès l'ont confirmé, c'est lui qui négociait quand l'incident de payement a eu lieu et, en réalité, il continuait à gérer alors qu'il a été déchu, après un premier incident survenu au début de la création de la banque. » Au sujet de la BCIA, il estimera qu'« on n'a pas mis les garde-fous pour l'empêcher de déborder de ses capacités ». Abondant dans le même sens mais en intégrant l'affaire Khalifa, un autre avocat du même prévenu émet la réflexion selon laquelle les principaux responsables sont dehors et se prélassent au bord de la Tamise à Londres, sur les quais de la Seine à Paris ou à Rabat. Il reprendra la formulation « toile d'araignée », pourtant exprimée en arabe, du représentant du ministère public, schématisant les imbrications de l'affaire, pour proposer une traduction du français vers l'arabe où il n'est question que de « la maison de l'araignée ». Cette « recherche dans les dictionnaires français-arabe du Liban », pays supposé être bilingue, n'est pas fortuite, car son idée est que « la BCIA représente cette maison-là où les responsables attendent leurs proies et où Fouatih est tombé dans le piège ». Il déplore le fait que la banque centrale ait donné un agrément pour, précise-t-il, « un usurier connu à Oran ». Il prendra le soin de dire : « Je connais Ahmed Kharroubi, car je vis à Oran, mais je ne vais parler que de ce qui est dans le dossier. » Mais cette assertion suppose que les gros clients, du moins oranais, avec lesquels il traite connaissent également cet aspect des choses. Il dira également à son sujet : « Son seul souci est de faire rentrer de l'argent dans sa banque sans se soucier de la loi. » Pour cet avocat qui parle de défaillance de la commission bancaire et de la banque centrale, « la sonnette d'alarme a été tirée au début, lorsqu'il (Kharroubi) a ouvert la banque et a commencé à frauder ». Sa conclusion consiste à dire : « C'est le non-respect des lois par la BCIA qui nous a amenés ici. » Il a en outre rappelé les déclarations de son client selon lesquelles « les Kharroubi ont utilisé la violence pour le pousser à reconnaître par écrit que c'est lui qui doit payer à la place de la banque ». Pour cela, estime-t-il, il a dû réécrire trois fois son texte. « Des avocats se présentent et introduisent des pourvois en cassation alors que l'accusé est déclaré en fuite », s'insurge un des avocats de Addou Samir avant de s'interroger : « Est-il possible de se constituer pour un accusé en état de fuite ? » Il a auparavant expliqué que sa plaidoirie allait porter sur quatre aspects que sont les procédures, les rapports entre la BCIA et la BEA avant le 29 avril, ce qui s'est passé par la suite et, enfin, l'expertise et l'accusation. Pour le troisième aspect, se basant sur les textes de loi, il affirmera qu'« une traite doit être payée quelles que soient les conditions, excepté le vice de forme, si par exemple une signature n'est pas conforme, etc. ». On s'est par ailleurs, pour les deux cas, interrogés sur le fait que « malgré le refus de payement à la chambre de compensation, la BCIA a continué à y assister alors qu'elle devait être suspendue ». Evoquant l'épisode retraçant la rencontre, après l'incident de payement, entre Kharroubi et Addou Samir, il dira : « Etant (Addou Samir) binational, nous n'avons pas peur de le dire, se trouvant en France durant l'incident, il (Kharroubi) croyait qu'il n'allait pas revenir, mais il est rentré dès qu'on l'a informé et là c'est le choc. » Déjà évoqué lors du procès, le retard mis pour la présentation des premières traites litigieuses, entre le 30 avril et le 12 mai, a été remis à l'ordre du jour au même titre que celui lié à la communication de la décision de rejet au directeur régional qui n'a eu l'information que le 18 mai 2003, alors que son adjoint a été mis au courant le 13. Les avocats ont également plaidé le principe selon lequel une partie du préjudice aurait été récupérée si on n'avait pas précipité l'affaire en la menant devant la justice. On estime par exemple qu'il y a eu négociations et de l'engagement par écrit pour le payement de 50% du montant litigieux de départ. Ces deux prévenus ont été en outre défendus sur le principe de leurs avoirs. Pour Fouatih, on a brandi ses parts sociales dans le projet Unilever (géant agrochimique) à Hassi Ameur (dont l'activité n'a rien à voir dans cette affaire). Pour Addou Samir, on a mis en avant les grosses quantités de sucre qu'il écoulait sur le marché, mais celui-ci a beau inonder le marché de cette denrée de première nécessité, il est impossible d'admettre, comme l'avancera un de ses avocats, qu'il puisse être « comparé à Galilée », car l'absurde a voulu qu'on ne retienne de l'Algérie d'avant 88 que les pénuries et après cette date que l'inondation du marché apparenté à tort à l'économie de marché. On apprend que vers la fin des plaidoiries en fin de journée, le représentant du ministère public a émis quatre remarques. La première concerne Kharroubi qui fait l'objet d'une procédure d'extradition. La seconde concerne deux avocats considérés à tort comme étant ceux de Kharroubi, alors qu'ils devaient être constitués pour le DG de la BCIA, Benkadi Ahmed. La troisième, apprend-on encore, a trait à l'expertise en considérant que celle-ci est venue conforter les résultats d'enquêtes internes à la BEA ainsi que celle de l'IGF. En dernier lieu, au sujet du concept de la participation, il aurait estimé que le complice, à condition d'être au courant du délit, est également poursuivi. Le verdict sera rendu aujourd'hui, apprend-on également.