Le deuxième jour du procès de la BCIA a vu la comparution du premier accusé dans l'affaire de dilapidation de deniers publics, Adda Larbi, l'ex-directeur par intérim de l'agence “Yougoslavie” 74 de la Banque Extérieure d'Algérie d'Oran. La matinée a été caractérisée par le rejet de plusieurs requêtes formulées par la défense, dont celle demandant l'annulation de l'expertise “comportant des jugements de valeur” ou encore la requête appelant à annuler la déposition d'un accusé “parce qu'elle a eu lieu sans la présence de son avocat”. La requête concernant l'extinction de l'action publique contre Arjoun Miloud, l'ex-directeur de l'agence BEA à Sig, pour cause de décès. Un cas qui fait dire à Me Mokrane Aït Larbi, constitué par Adda Larbi, que “dans la recherche de la vérité, on peut toujours demander au tribunal de se référer au PV d'audition du défunt”. Aux questions du juge, l'accusé clamera son innocence. “On a escompté à nos clients des traites avalisées par la BCIA, qui était agréée par la Banque d'Algérie. Nous étions couverts et nous possédions des garanties parce que la banque, elle-même, en était une”, ne cessera-t-il de répéter au cours de l'audience. Ces fameuses 41 traites, à l'origine d'un préjudice financier causé à l'agence en question, et estimé à 420 milliards de centimes, seront le point de départ d'un dépôt de plainte du directeur régional de la BEA après que la BCIA eut notifié son refus de payer lesdites traites prétextant un retard dans les délais. Le juge insistera sur l'expérience de l'accusé concernant le traitement des traites et des crédits, Adda répondra que “depuis mon installation à la tête de l'agence en août ou septembre 2000, en remplacement de L. Boumédiène, j'ai commencé à traiter avec des traites”. À la question concernant la cadence de ces traites, le prévenu répondra qu'elle “variait entre 200 et 500 millions de centimes” et qu'il avait reçu des félicitations de sa hiérarchie pour avoir engrangé des bénéfices pour l'agence sur différents chapitres dont le commerce extérieur, les intérêts sur les comptes débiteurs et sur l'escompte des traites où la banque perçoit, à chaque opération, 10,5% d'intérêts. Le magistrat l'interroge alors sur les “conditions pour escompter des traites ?” “Une demande de crédit et une étude du dossier, puis nous donnons notre avis et c'est la structure centrale qui donne son O. K. ou refuse la demande.” Le juge revient sur le plafond de la traite, l'accusé lui répond “qu'il n'existe pas de plafond du moment que la traite est avalisée”. Quant à l'histoire de ces 41 traites détenues par six clients dont les entreprises Fouatih et Nebia ainsi que Sotrapla, Adda racontera qu'il les a escomptées, toujours sous couvert de la BCIA, la première semaine d'avril 2003, et que c'est son chef de service des portefeuilles qui les adressera à l'agence BEA Oran El-Amir laquelle, devait à son tour, les présenter à la Banque d'Algérie pour compensation. Une procédure rodée mais qui sera sérieusement malmenée avec le retard pris dans le traitement de l'opération, ce que ne tardera pas à souligner le juge à l'accusé pour qui le retard pris est prémédité dans la mesure où les traites n'ont été adressées à la BEA El-Amir que le 29 et reçues par ladite agence l'après-midi du 30 qui tombe avec un week-end prolongé. Adda réitérera sa bonne foi en certifiant que “la source du problème réside dans le retard accusé au niveau de cette dernière agence”. L'accusé relatera ensuite sa tentative de régler ce problème “à l'amiable” avec la BCIA en se rendant, en compagnie d'une délégation de l'agence Yougoslavie auprès de celui qu'il considérait comme le P-DG de la banque privée. “Kharroubi Ahmed nous a reçus dans son bureau, son fils, Mohamed Ali était également présent, mais l'entrevue n'a pas apporté de solution pour le règlement du problème”. “Mais pourquoi être allé le voir ?” demandera le juge. “On voulait connaître les raisons du retour d'impayé des traites avalisées”. La discussion s'achèvera sur le souhait de Kharroubi de discuter des solutions en présence de Addou Samir, le gérant de Sotrapla et l'un des gros détenteurs de traites avalisées par son établissement bancaire. Le représentant du ministère public reviendra sur le rôle du directeur de l'agence avant de lui demander : “Tu sais pourquoi tu es là ?” Adda : “Il y a eu non- paiement et je suis responsable. J'ai été incarcéré pour les traites.” Le procureur voulant cerner la relation qu'entretenait Addou Samir avec la BEA Yougoslavie demandera si ce dernier travaillait avec des traites avec la BEA et pour quel montant. Le prévenu avouera ne pas se rappeler du montant exact. Le procureur passera à l'autre client, en l'occurrence, Fouatih Belkacem en interrogeant l'ex-directeur sur le nombre de traites et depuis quand il travaillait avec la BEA. “Est-ce que toutes les traites escomptées sont avalisées par la BCIA ?” interrogeant l'accusé. Adda : “Certaines étaient avalisées par El Khalifa Bank, CPA, BNA” - “Est-ce le même cas pour Addou ?” La réponse est à l'affirmative. “Quelles sont les garanties présentées par Fouatih ?” “On n'a pas besoin de garanties pour certains clients connus”. - “Donc, il se présentait pour escompter des milliards et vous vous les escomptiez”, se demandera le procureur. -“Non, il avait présenté un dossier de crédit qui a été refusé par la Centrale en 2001 ou en 2002”. - “Après, il est revenu vers vous ?” - “Non, il travaillait avec la banque” - “Combien ?” Adda répondra que les escomptes tournaient autour de 50 à 70 milliards de centimes sous couvert de l'instruction interne 131/96. “Tu décides toi, en tant que directeur d'agence d'escompter de telles sommes sans en référer à ta hiérarchie ?” - “Elles étaient garanties par la BCIA”. - “Mais toi, tu es là aujourd'hui justement à cause de ces traites garanties”, répondra le procureur. L'argument avancé par le prévenu est battu en brèche par l'intitulé même de l'instruction qui stipule qu'elle n'est valable que pour les chèques. Adda Larbi, dans une lecture qualifiée de personnelle, s'étendra aux traites avalisées à courte durée. SAID OUSSAD