A la suite d'une réunion tenue récemment au siège de la direction de l'Action sociale de la wilaya d'Oran (DAS), en présence des représentants de différents secteurs, une opération de ramassage des personnes qui s'adonnent à la mendicité, en exhibant des enfants en bas âge, a été lancée, la semaine dernière, à travers les artères de la ville d'Oran. Nous avons été conviés à suivre, durant une après midi, le déroulement de l'opération menée par la DAS et le Croissant Rouge Algérien (CRA). C'est aux environs de 13 heures, ce jour là, qu'une équipe mobile composée de quelques éléments du personnel de la DAS et de volontaires du CRA, appuyés par des agents de la sûreté nationale, se sont dirigés vers le centre ville, là où se trouvent les endroits les plus fréquentés par les mendiants. En cours de route, le président du CRA, M. Khouidmi, nous parle d'une femme et de sa fille, qui, chaque matin, débarquent du train en provenance de Chlef et se dispersent dans la ville avant de se retrouver le soir à la gare pour reprendre le train en partance pour la même ville. A l'issue d'une journée de « travail » bien remplie, poursuit-il, elles se constituent une cagnotte d'un montant moyen de 6 000 DA/jour, soit un revenu mensuel net de 180 000 DA ! Il précisera par la suite que bon nombre de mendiants viennent des wilayas limitrophes (Mascara, Relizane, Chlef, Tiaret, etc.) Nous arrivons au centre ville, nous apercevons une mendiante tenant dans ses bras un enfant. A la vue des véhicules du CRA, elle a vite compris le manège. Elle prendra la fuite avant que les membres de l'équipe d'intervention n'aient eu le temps de réagir. Jeu du chat et de la souris Partis à sa recherche, ils reviendront dépités. La journée est belle, les mendiants, d'habitude si nombreux, semblent s'être volatilisés. Ont-ils eu vent de l'opération ? C'est peu probable. Ils sont habitués à ce jeu du chat et de la souris avec les représentants de l'ordre. Les véhicules du CRA et de la police ne passent pas inaperçus, ils sont repérés de loin. Les personnes errantes ont tout le temps de s'enfuir. Nous remontons dans les véhicules, nous nous dirigeons vers l'hôtel Sheraton. A un endroit de la route qui mène vers cet établissement hôtelier, une femme a l'habitude de s'y installer en berçant tout contre sa poitrine un nourrisson. Il s'agit, nous apprend-on, d'une poupée. Elle utilise la poupée comme un leurre, afin d'apitoyer les passants. Par un curieux hasard, aujourd'hui, cette femme n'y est pas. Après avoir tourné des heures en ville, l'équipe mobile risque de rentrer bredouille. Les mendiants manquent au décor de la ville… Tiens, au boulevard Loubet, voilà une femme, elle a un enfant âgé de deux ans environ. Elle porte des vêtements en piteux état. Entourée par les volontaires du CRA, elle refuse de les suivre. Elle éclate en sanglots. Elle réclame de l'aide… Tout une après-midi pour ne recueillir que deux femmes. Elles sont emmenées au commissariat de police, où les agents ne savent pas quoi faire. Certes, ces femmes, au regard de la loi, ont commis un délit. L'article 195 du Code pénal stipule : « Est puni de l'emprisonnement d'un à six mois, quiconque ayant des moyens de subsistance ou étant en mesure de se les procurer par le travail ou de toute autre manière licite, se livre habituellement la mendicité en quelque lieu que ce soit. » « Mais, face aux multiples problèmes auxquels nous sommes confrontés quotidiennement, il nous faut encore s'occuper des mendiantes », ne cessaient de faire remarquer les agents de l'ordre public. Suffit-il d'arrêter ces femmes et de placer les enfants en institution pour endiguer le phénomène ? Pour la police, la question était plus qu'embarrassante. En effet, la question est de savoir pourquoi les autorités se sont subitement mises à ramasser les mendiants ? Elles semblaient, jusqu'à présent, bien s'en accommoder. S'agit-il d'une opération sporadique consistant à nettoyer la ville, de cacher ces êtres que l'on ne saurait voir, en prévision de la prochaine visite que doit effectuer à Oran le roi d'Espagne, Juan Carlos, ou de la mise en œuvre d'une réelle politique de prise en charge du problème, auquel cas nous demanderions à être édifiés quant à son contenu ?