Cela fait quatre ans qu'il fait ses adieux. De salle en salle, de pays en pays. Mais il est toujours là. Debout et collé à la scène. Des paroles ciselées et une voix qui n'a rien à envier à celle de ses vingt ans. Pourtant, Charles Aznavour sait irréversiblement qu'un jour il abdiquera comme les monarques. Paris : De notre bureau Mais il avertit que « s'il me reste un beau spectacle à faire, un bel enterrement flatterait mon ego ». Dans son dernier album Colore ma vie, Aznavour mélange la chaleur musicale de Cuba avec la froideur des textes français, réalistes et dans la lignée de ceux de Brassens, Brel ou d' Edith Piaf. Un album contemporain qui s'inspire de la réalité quotidienne de l'humanité. Dans la Terre meurt, Aznavour se mue en défenseur de la nature et de l'écologie. Extraits : « La terre meurt, l'homme s'en fout. Il vit sa vie, un point c'est tout. Il met à son gré, à son goût, le monde sens dessus dessous. La terre meurt, où allons-nous ? ». Aznavour dénonce l'homme moderne exploiteur. Celui qui transforme les océans en poubelles et qui souille le front des mers. Un homme qui n'a de yeux que pour la finance et les affaires et, pour qui, le pétrole est le seul maître mot. Dans J'abdiquerai, le petit grand homme, marqué par le poids des ans, évoque déjà l'autre monde. Sachant qu'il est une cible comme le commun des mortels, Aznavour a intégré l'idée qu'il tombera prochainement de haut, mais qu'il acceptera son sort. Mais avant de partir, subodore-t-il, il lui faudra donner quelques spectacles encore : « Trois ou quatre ans d'adieux, c'est à peu près ce que j'estime donner comme soirée ultime. Avant de recevoir cette grande distinction que m'offrira debout la profession dans une chaleureuse et ovation ultime ». Aznavour, ce môme qui a grandi dans les banlieues, n'a pas été insensible au feu qui a embrasé les villes périphériques de Paris en novembre 2005. Des endroits où se concentrent la misère, le malvivre et les horizons bouchés. Dans Moi je vis en banlieues, l'artiste fustige les politiques de droite ou de gauche qui utilisent leurs discours pompeux pour récolter des voix. Il décrit la vie obscure d'un jeune qui ne trouve pas de travail malgré ses diplômes et qui, souvent le soir tard, rentre chez lui profil bas et déprimé. Il dénonce également la discrimination que pratiquent les patrons qui « embauchent en fonction de la gueule et pas des compétences ». Enfin, il y a la Tendre Arménie qui n'a survécu qu'aux prix des sacrifices et dont le souvenir continue de brûler dans le cœur de l'artiste. Une terre qui a connu tremblements de terre, famines, guerres, misère et froid, un pays souvent trahi et violé par l'ennemi. Mais sous l'amas de pierres, l'espoir reste permis pour voir aujourd'hui l'Arménie se prendre en main, respirer et revivre. Fragments : « Elle (Arménie ndlr) a gardé sa langue et sauvé sa culture. Elle s'est accrochée pour sortir de la nuit. Mille fois ravagée, elle renaissait pure pour tout recommencer. Belle et tendre Arménie ».