En dépit des programmes destinés à sortir la femme de ses conditions de vie misérables, celle-ci continue à nourrir l'espoir de lendemains meilleurs, particulièrement dans la wilaya de Aïn Defla à vocation agricole et durement touchée durant les années de terreur. Interrogées, des femmes se montreront conscientes en affirmant que leur sort n'est pas différent de celui des hommes, car, ont-elles ajouté, « nous vivons sous le même toit », c'est-à-dire qu'elles partagent le même espace. Par ailleurs, diront d'autres, c'est la femme rurale elle-même qui doit présider à sa destinée, même si des citadines responsables de la condition de la femme rurale ne manquent pas de volonté. Soulignons que dans la wilaya de Aïn Defla et ses nombreux douars épars, la femme continue à subir le poids des traditions et demeure otage des croyances occultes qui l'enfoncent davantage dans l'ignorance et l'éloignement du progrès et du bien-être social. Dans la commune de Djelida (sud-ouest de Aïn Defla), à vocation agropastorale, nous assistons encore à des rites sans rapport avec la religion et qui rendent compte de la réalité plus que n'importe quel rapport de responsable ou de statistiques. Cette région, connue pour ses mausolées perdus en pleine campagne, attire de nombreux visiteurs de la wilaya, d'ailleurs et même des immigrés . En ce lundi, jour de marché, la procession de femmes, les bras chargés de couffins, ne s'arrête pas jusqu'au soir. Cet espace commerçant dans la nature est l'occasion, selon ce fonctionnaire municipal, pour les femmes et les jeunes filles de sortir de leur chaumière dans le but de faire des achats, d'exposer leur marchandise mais surtout pour faire des rencontres. Nous attardant un peu devant les étals, nous remarquons, en effet, un groupe de jeunes filles dont l'attitude ne trompe pas et confirme les propos du fonctionnaire à l'APC de Djelida. Des monticules verdoyants surgissent des femmes, certaines traînant des mulets. Cette écolière aux cheveux blonds a déserté les bancs de l'école pour venir vendre des tadjines (ustensiles en argile) pour la somme de 45 DA. Après les achats, hommes et femmes se dirigent vers le mausolée de Sidi Abbès en quête d'un repos surtout moral, dira ce visiteur. L'endroit ne désemplit pas. Une femme visiblement fatiguée est allongée au pied du mausolée. Des hommes et des femmes s'attardent en supplication. Cette étudiante en philosophie souffrant, selon un proche, de surmenage, se trouve parmi les visiteurs. Elle tiendra à nous dire : « Ces saints ne sont qu'un prétexte, Seul Dieu détient le pouvoir de guérir. » Elle ajoutera avec un large sourire : « N'est-ce pas que notre Président est licencié en philosophie ? » Quant au gardien des lieux, un vieux, heureux de recevoir quotidiennement des pièces sonnantes et trébuchantes dans ses poches, il nous répondra presque avec colère : « Ici on ne passe plus les nuits comme par le passé à cause de la ‘‘tchaqlala'' ! » Allusion aux années de terreur. Sur les lieux, il n'y a pas d'eau courante et les visiteurs s'occupent à retirer le duvet des poulets achetés sur place dans des conditions d'hygiène déplorables. Les chambres, jadis refuge pour de nombreuses nuits, sont insalubres et leurs murs barbouillés de henné. Signalons que les poulets seront sacrifiés en offrande aux saints des lieux, selon nos interlocuteurs. Cette Milianaise, un poulet entre les mains, nous apostrophe avec un « Vive les femmes ! » Mais s'empressera d'ajouter, en présence de son mari et de son fils adolescent : « L'homme et la femme sont complémentaires. » Toutes ces personnes, selon nos interlocuteurs, sont en souffrance. Mais quel mal les ronge-t-il donc ? N'est-ce pas celui de l'ignorance ? A tel point, dira cette ex-lycéenne et maintenant vendeuse de tadjines, que des écolières viennent ici supplier les saints de les aider dans leur scolarité en exposant leurs cahiers. La jeune fille ajoutera, pour sa part, qu'elle vient là uniquement pour vendre ses produits après avoir été contrainte de mettre fin à ses études, faute de moyens financiers. Au courant de l'actualité grâce à un transistor, elle ajoutera que dans la maison paternelle, il n'y a pas de télévision à cause des tendances religieuses des membres de sa famille. Enfin, signalons que si la femme rurale à Aïn Defla jouit, en cette journée printanière, des espaces immenses et verdoyants d'une beauté incomparable, on ne peut dire, sans nous tromper, qu'elle est loin de sortir de sa condition de femme marginalisée oubliant même, affirmera cette femme, qu'elle est une femme, c'est-à-dire un être sensible mais intelligent, plein de savoir-faire et de savoir-être, mais hélas confinée dans un rôle de bonne à tout faire. Pour conclure, des jeunes filles interpelleront les femmes politiques, celles les représentant au niveau de l'APW de Aïn Defla, à venir sur le terrain pour décider ensemble des solutions à apporter.