Une fois n'est pas coutume, nous allons aborder l'hommage rendu aux femmes sous un angle inédit jusque -là. S'il y a bien un souhait qui fait l'unanimité entre les conservateurs et les modernistes c'est celui d'une loi qui instituerait un salaire pour la femme au foyer. Toutefois, à chacun sa vision des choses. Les uns reclus dans leur cécité misogyne voient par là l'ultime rempart à la libération de la femme. Quant aux autres les modernistes ils défendent l'indispensable conciliation des deux rôles mère et salariée joués par la femme dans les sociétés modernes. Il va de soi que le congé de maternité réglementaire accordé aux travailleuses ne suffit pas. Tout le monde connaît les nombreuses tracasseries rencontrées par ces dernières dans l'exercice de leur emploi. Trouver une place en crèche ou simplement une baby-sitter (nourrice) est devenu une hantise pour les jeunes mères. Mais certains diront que pour contourner cet obstacle, il suffirait de multiplier les créations de crèches et autres structures de garde et d'accueil de la petite enfance. Cette solution a le vent en poupe dans les la plupart des pays développés. Mais est-ce la vraie solution ? Ne pose -t-elle pas d'autres problèmes plus cruciaux ? Seuls les spécialistes de la petite enfance pourront répondre à ces questions. Les politiques se doivent de les écouter. L'enjeu est hautement stratégique pour le progrès humain. Le rapt de Jessica Au début des années 1990, un événement bouleversa l'opinion publique américaine. Au-delà de sa dimension humaine, ce fait divers suscita l'engagement de scientifiques, spécialistes de la petite enfance. Jessica est ce nouveau-né abandonné par sa mère et recueilli et adopté par une famille américaine. Celle-ci déploya des trésors d'amour et de soins jusqu' à la réapparition du père biologique qui exigea de reprendre sa fille, alors âgée de deux ans et demi. Entre-temps, il avait reconstitué son foyer initial - avec la mère de Jessica. Froide dans ses attendus, la justice arracha aux parents adoptifs la lumière qui égayait leur vie. Ce fut un véritable supplice pour la fillette, que de quitter le nid douillet pour vivre avec des personnes inconnues pour elle. Une mobilisation sans pareille s'organisa afin de faire annuler le jugement. C'est à une sommité scientifique de l'université de Yale que sera confié le plaidoyer. Dans une intervention restée célèbre, le Professeur Solnit — éminent expert en psychologie infantile — déclara à la presse : « Le transfert de Jessica pourra menacer son développement. Le fait de se retrouver brutalement avec des étrangers est susceptible de briser ses capacités intellectuelles. La vie, heure par heure, jour après jour, au cours des trois premières années de l'existence, constitue le fondement de la personnalité de l'enfant. L'une des qualités essentielles qu'il acquiert pendant cette période est la capacité de faire confiance à un adulte et d'entrevoir ainsi le monde comme un système sûr et stable, au lieu de le percevoir comme imprévisible et instable. » Cette analyse a conforté de nombreuses associations féminines relayées par des pédiatres, psychologues et autres éducateurs. Ces dernières années, un large mouvement structuré a vu le jour autour d'une revendication — phare : le droit de la femme à rester au foyer pour élever son enfant et bénéficier d'une rémunération jusqu' à la reprise du travail. Les choses ont bien changé depuis les avancées des années1960 et 1970 où les pouponnières accueillaient les bébés encore dans leurs langes. Des spécialistes n'ont pas tardé à mettre en relief les néfastes conséquences de la rupture brutale du lien affectif entre l'enfant et sa mère. La théorie de l'attachement a pris racine dans le besoin de sécurité affective exprimé par l'enfant au cours des premières années de sa vie. Sécurité que seule la présence de la mère peut garantir. Sécurité mais aussi chaleur affective qui lui permettent de conquérir le monde extérieur et donc de s'éveiller à la culture. Même avec leur génie et leur volonté, les substituts - genre nourrice et éducatrices - ne peuvent nullement jouer le même rôle avec autant d'efficacité. La nature humaine a sa logique et rien ne sert de la bousculer. Des initiatives, des expériences et des études sérieuses ont depuis longtemps confirmé l'indispensable présence de la mère auprès de son enfant de la naissance à l'âge de l'autonomie psycho-affective. Cette période, les spécialistes la situent de la naissance aux environs de trois ans à trois ans et demi. Une fois libéré de ce lien, l'enfant accèdera à l'autonomie et la maturité suffisantes qui l'habiliteront à entrer à la maternelle. Lorsqu'elles sont préparées en conséquence, par une information judicieuse en matière de psychologie de l'enfant, d'éducation sanitaire et de pédagogie pratique spécifique à la première enfance, les mamans pourront contribuer à aider leurs enfants à construire les bases de leur personnalité. Si la femme donne la vie, il n'en demeure pas moins qu'elle donne forme à une vie. A partir de cette théorie de l'attachement affectif similaire au cordon ombilical du nouveau né un éminent pédiatre français s'est écrié : « Je trouve monstrueux d'arracher l'enfant (avant 3 ans) à sa mère pour le placer en crèche au motif qu'elle doit reprendre son travail. » C'est pour avoir compris les enjeux de l'attachement affectif qui rend l'enfant équilibré sur le plan psycho-affectif que certains pays, comme l'Allemagne encouragent la prolongation du congé de maternité. Les autres ceux qui ont opté pour la généralisation des pouponnières ou crèches commencent à réfléchir à une réorientation de leur politique socio-éducative. L'argument productiviste qui transforme la femme en machine semble battu en brèche grâce aux efforts de sensibilisation entretenus par les spécialistes de la petite enfance. Ce sera là, une éclatante victoire pour les mères travailleuses et pour les enfants. Ne dit-on pas que la mère est la première école du futur adulte ? Alors chiche qu'on lui donne les moyens d'assumer ce rôle. Tous les moyens !