Les opposants armés irakiens ont eux-mêmes donné le ton à la conférence internationale sur l'Irak qui venait de s'ouvrir quelques heures auparavant, dans l'un des endroits les plus sécurisés de la capitale irakienne. Trois explosions ont retenti à quelques pas du ministère des Affaires étrangères où se retrouvaient pas moins de dix-sept délégations étrangères dans une nouvelle tentative de sauver ce pays en supposant que la tâche soit facile. Le souffle des explosions a brisé plusieurs vitres du ministère, où étaient réunis les représentants de 17 pays et organisations internationales, pour tenter de mettre un terme aux violences. Des soldats irakiens présents sur place ont indiqué que les explosions ont été provoquées par trois obus de mortier, qui ont atteint un bâtiment situé à 50 mètres du ministère. Le message ne saurait être plus clair. Que peut donc une conférence internationale dont la seule tenue signifie l'échec de toutes les stratégies américaines et irakiennes ? L'espoir est bien mince, sinon nul, parce que l'Irak est aujourd' hui' extrêmement divisé, plus grave encore, les combats interethniques n'ont jamais été aussi meurtriers, amenant à une recomposition de la mosaïque irakienne, sur une base strictement ethnique. Le nettoyage ethnique se fait à une très grande échelle en Irak, et ses dirigeants croient que les pays voisins en sont coupables, sinon peuvent jouer de leur influence pour faire cesser ce drame. C'est le cas du Premier ministre irakien Nouri Al-Maliki qui a demandé hier la fin des ingérences étrangères en ouverture de cette conférence : « Nous demandons que les pays de la région et d'ailleurs cessent leurs ingérences et leurs tentatives pour influencer la situation politique en Irak, en soutenant certaines confessions, ethnies ou groupes », a demandé M. Maliki. « Il faut arrêter toute forme d'aide financière, d'incitation religieuse ou médiatique, de support logistique ou d'approvisionnement en armes et en combattants qui serviront à tuer nos enfants, nos femmes, les personnes âgées ou à attaquer nos mosquées et nos églises », a-t-il ajouté. Le Premier ministre irakien n'a cité aucun nom, mais il s'exprimait en présence des représentants syriens et iraniens, deux pays accusés par les Etats-Unis d'alimenter l'insurrection en Irak. « Le terrorisme qui tue aujourd'hui des Irakiens à Baghdad, Hilla, Mossoul, dans Al-Anbar est de même nature que celui qui a frappé les populations d'Arabie Saoudite, visé le peuple d'Egypte, attaqué les tours jumelles du World Trade Center de New York ou atteint les trains de Madrid et de Londres », a poursuivi M. Maliki. L'auteur de ces propos très contesté dans son propre pays, est à l'origine de cette conférence après y avoir été longtemps hostile, au motif qu'il s'agissait d'un problème intérieur à l'Irak. « Il faut apporter une réponse internationale à ce défi, et l'Irak doit mener cette bataille, qui implique tous les Etats de la région, avec l'aide de ses frères et voisins », a-t-il ajouté. Quatre ans, presque jour pour jour après l'invasion de l'Irak par une coalition menée par les Etats-Unis, le gouvernement irakien et les Etats-Unis, en dépit des 141 000 soldats déployés en Irak, sont incapables d'enrayer les violences, faisant plus de 34 000 morts Irakiens en 2006, selon les Nations unies. Les participants doivent tenter de trouver des solutions pour l'Irak et cette conférence constitue surtout une première diplomatique, avec la présence à la même table des délégués américains et des représentants de leurs « bêtes noires », l'Iran et la Syrie. Les relations sont également tendues avec l'Arabie Saoudite, les responsables chiites irakiens accusant le royaume de financer les mouvements extrémistes sunnites, et la Turquie qui voit d'un mauvais œil la présence de groupes séparatistes kurdes dans le nord de l'Irak. Les pays de la région, dirigés par des sunnites s'inquiètent surtout des liens étroits entre l'Iran chiite et l'Irak, où les chiites, majoritaires, sont au pouvoir. Elle devrait ouvrir la voie à une autre rencontre, au niveau ministériel, annoncée par les Etats-Unis mais que les autorités irakiennes n'ont pas confirmée. Selon le département d'Etat, le seconde rencontre se tiendra vraisemblablement « dans la première moitié d'avril » en Turquie. Mais que faut-il en attendre, quand les avis divergent sur l'origine et les raisons de la violence ?