En dépit de l'humour, au demeurant héroïque des Algériens, ce n'est pas tous les jours qu'apparaît un nouvel humoriste. Pourtant, quand les regards se portent vers le passé, on découvre qu'aux moments les plus durs de leur histoire, les Algériens ont toujours su trouver parmi eux de doux rêveurs et d'acerbes rigoleurs. Et voilà que nous est apparu la semaine dernière un personnage prometteur qui, comme les grands du genre Buster Keaton ou Charlie Chaplin, possède déjà un physique pour l'emploi et une palette d'expressions aux gammes étendues. C'était jeudi dernier, devant les cimaises de la galerie Arts en liberté où un public restreint, heureux d'avoir bravé les intempéries, a pu découvrir Toufik Mezaâche venu de Sétif interpréter son spectacle de plus d'une heure sur le thème du retard. Saynète sur saynète, le comique a passé en revue les rapports explosifs des Algériens avec le temps et leurs errements spatio-temporels bien exprimés par des proverbes comme le fameux : « Tout retard est une bénédiction. » Le désopilant acteur est entré un moment dans la science-fiction, imaginant la tragédie d'une Algérie renouant avec une conception quasi-helvétique du temps. Et dans cet univers de ponctualité, la soudaine nostalgie de la pagaille insupportable mais chaleureuse qui régnait auparavant. L'artiste enclenche aussitôt après sur la création d'un Parti du Retard et son entrée dans la vie politique, l'engouement qu'il suscite et les réactions des autres formations politiques . Tewfik Mezaâche signe là un monologue qui le place d'emblée comme promesse du rire national. Il lui reste, cependant, à travailler davantage ses textes en évitant certains clichés et en approfondissant la manne poétique de son texte. Pourvu qu'il trouve les personnes prêtes à le soutenir et à collaborer avec lui. Un one man show en effet est rarement, sauf sur la scène, un travail individuel.