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Construction du barrage de Kissir à Jijel
Les expropriés mécontents
Publié dans El Watan le 17 - 03 - 2007

Comme, à chaque fois, les pouvoirs publics entreprennent de grands travaux sans se soucier des répercussions inéluctables, mais non moins douloureuses qui sont subies par les populations vivant dans la région appelée à contenir ces projets.
L'aspect social lié à la construction du barrage de Kissir à la frontière des communes de Jijel et El Aouana en est la parfaite illustration. Les Ouled Taffar, qui ont souffert des exactions terroristes de la dernière décennie, ont vu une bonne partie de la population fuir pour se réfugier, principalement à Jijel. La programmation du barrage de Kissir qui engloutira à l'issue des travaux la quasi-totalité de leur vallée, sonne le glas des espérances d'un éventuel retour vers la terre ancestrale, mais les déboires de cette population ne sont pas circonscrits dans la seule plaie du déracinement. Nombre des citoyens concernés qui se sont regroupés au sein de l'association sociale Touafra, jugent que ce déplacement forcé des ouled Taffar entraîne dans son sillage de graves conséquences en terme d'appauvrissement, vu que, soutiennent-ils, la réinstallation des populations déplacées ne s'est pas faite et que les indemnisations proposées, dont certaines précisent-ils n'atteignent même pas les 500 000 dinars, sont loin de compenser, le bâti et les ressources générées par l'activité agricole qui était le gagne-pain d'un certain nombre de citoyens. Outre ce point focal lié aux conditions « d'expulsion », comme le qualifient nos interlocuteurs et pas de libération des lieux comme le voudrait la logique, les contestataires ajoutent le cas des parcelles désormais inaccessibles qu'ils considèrent en dehors du périmètre à exproprier, jugeant cet état de fait comme une violation de propriétés privées. Or, l'arrêté de wilaya 435/99 du 12/09/199 portant déclaration d'utilité publique d'une superficie initiale de 229 hectares et 32 ares, a été modifié et la surface à exproprier revue à la hausse sans, se défendent les concernés, qu'il y ait eu notification conformément à l'article 11 alinéa 2 de la loi 91/11 qui stipule que « sous peine de nullité, l'acte de déclaration d'utilité publique est : (…) notifié à chacun des intéressés ». S'appuyant sur l'article 2 de la loi précitée qualifiant l'expropriation comme mode exceptionnel d'acquisition de biens ou droits immobiliers (…) lorsque le recours à tout autre moyen, a abouti à un résultat négatif, les concernés s'étonnent par ailleurs de la manière dont a été faite cette expropriation,vu que, indiquent-ils, si dès le départ une indemnisation « juste et équitable » comme précisé dans la loi, avait été mise en œuvre.
100 DA/m2, c'est maigre
En effet, au départ le mètre carré a été estimé à 50 dinars, soulevant un véritable tollé chez les propriétaires, avant d'être porté à 100 dinars, somme considérée en-deçà du sacrifice consenti au renoncement à l'existence sur une terre ancestrale nourricière. Autre écueil auquel sont confrontés certains citoyens, le défaut d'indemnisation en ce qui concerne les terres non titrées. Pourtant ce point a été tranché lors d'un conseil du gouvernement (31 mai 1989) à l'issue duquel une instruction cadre interministérielle (554 du 23/08/1989) a été « pondue » stipulant que l'arrêté d'expropriation établi sur la base du rapport du commissaire-enquêteur constitue en lui-même un titre régulier. La même circulaire précise que « les possesseurs reconnus en tant que tels par la liste établie par le commissaire-enquêteur (…) peuvent valablement être indemnisés et percevoir l'indemnité compensatoire sans autre justificatif ». Les annexes dudit rapport comprennent à ce propos un état de 56 parcelles titrées et 38 autres non titrées. Quant au montant global consigné pour cette expropriation, il est de 547 974191,60 dinars. Dernier point soulevé par l'association quant à la procédure suivie, la question du respect de la réglementation en matière de publicité foncière conformément à l'article 42 de la loi citée ci-dessus, qui précise que « l'entrée en possession ne peut avoir lieu que sous réserve de satisfaire à la réglementation en matière de publicité foncière ». A ce propos, deux membres d'une famille d'expropriés nous ont remis des certificats négatifs établis courant février 2007, pour des terres couvertes par l'arrêté d'expropriation. Or, l'article 30 de la loi 91/11 spécifie que l'« acte administratif d'expropriation est notifié à l'exproprié et au bénéficiaire de l'expropriation et fait l'objet des formalités légalement requises en matière de mutation foncière : les intéressés sont alors obligés de libérer les lieux ».De même que l'arrêté de wilaya n°1140/05 du 18 septembre 2005, portant expropriation des biens et droits,fixe en son article 4 un délai d'un mois pour procéder à l'enregistrement et à la publication au niveau de la conservation foncière. Reçus dans son bureau à Kissir par M. Bibi Miloud, responsable de l'agence nationale des barrages et des transferts (Anbt), ce dernier nous dira la superficie porte sur « 305 hectares touchées par la cuvette et le périmètre de sécurité ce qui fait que la surface globale couverte par la déclaration d'utilité publique, englobant les terres titrées et non titrée, communales…, est de 600 ha ». Il ajoutera que « cette association a toujours été associée lors des réunions. Quant à la procédure à l'amiable, nous avons tenté de nous rapprocher des concernés, mais on a toujours été éconduit ». Concernant le prix donné, il nous dira que « l'argent est consigné au niveau du trésor et le prix du mètre carré qui était de 50 dinars a été porté à 100 dinars. Quant à ceux qui refusent ce prix, c'est leur droit absolu d'introduire l'affaire devant la justice pour en demander la révision »


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