Venant par route de Ouargla où il a présidé, lundi, le colloque international sur les eaux souterraines, M. Sellal est arrivé le même jour, dans la soirée, à Biskra. Le lendemain, il y a entamé une visite de travail et d'inspection au cours de laquelle il a sillonné de long en large les Ziban, une région d'une superficie de 21 500 km2 dont l'économie en plein essor repose essentiellement sur l'agriculture saharienne, grande consommatrice d'eau. 780 millions de mètres cubes d'eau, l'équivalent de la contenance de 15 barrages de capacité moyenne, sont nécessaires annuellement, dit-on, pour assurer l'alimentation en eau potable d'une population estimée à 700 000 habitants et irriguer de diverses manières les 170 000 ha de terres cultivables « dont plus de la moitié ont été gagnées sur le désert ces dernières années » et où « 3 millions de jeunes palmiers » auraient été plantés dans le cadre du FNRDA, affirment les statistiques des services agricoles. Mobiliser une telle quantité d'eau est une tâche ardue, néanmoins les paysans et les services de la DHW arrivent, semble-t-il, à la puiser dans 2 barrages et autres ceds au niveau des bassins versants des 4 principaux oueds ou dans les diverses nappes allant du phréatique au continental intercalaire, au moyen de 11 278 points d'eau, puits traditionnels et autres forages, recensés à travers la wilaya « et qui vont à la longue, une fois l'eau de ces nappes pompée, transformer le sous-sol des oasis en un véritable gruyère surnageant dans la remontée des eaux », prophétisent les écologistes ! Quoi qu'il en soit, garantir la disponibilité du précieux liquide destiné à la consommation des ménages, à l'irrigation des terres agricoles et pour satisfaire les besoins du secteur industriel naissant a été toujours « la préoccupation majeure des pouvoirs publics ». Ce défi, le ministre l'a rappelé à plusieurs reprises aux différentes étapes de sa visite. L'Etat est décidé à le relever, en mettant le paquet. Injustice hydraulique En attendant que les projets colossaux du secteur se concrétisent et malgré une pluviosité abondante, qui a permis le remplissage inattendu des 2 grands barrages de la région et une hausse notable du niveau des nappes souterraines, les paysans de certains endroits mal lotis de la région des Ziban vivent le manque d'eau au quotidien comme une injustice flagrante commise à leur égard, à l'instar des habitants de Khanguet Sidi Nadji ou des fellahs du Zab Ech-Chergui que la nature n'a point gâtés. Ces gens-là, n'ont ni la volonté ni les moyens pour forer le sol à plus de 800 m et y puiser une eau toujours saumâtre. Par contre, à moins de 200 m, on arrive à pomper à une demi-heure de route de Biskra dans la commune d'El Hadjeb, précisément au lieudit Stah Zemrir, « une véritable mer d'eau douce sort de mon forage », précise Si Saïd, un fellah qui depuis 8 ans a transformé 16 ha de désert en vergers verdoyants où ses pommiers et poiriers butinés par les abeilles de ses 40 ruches arrivent à produire, sans engrais chimiques, des fruits d'un poids de plus 600 g qu'il nous a fait goûter. Quant à ses légumes, ils sont phénoménaux et « l'Unique » en a été le témoin privilégié, le poids d'un seul navet a dépassé les... 6 kg ! « Seulement, précise Si Saïd, les services agricoles rejettent depuis un certain temps toutes mes demandes de subvention, des subventions qu'ils allouent à des exploitations fantômes. Tout autour de moi, il y avait plus d'une trentaine d'‘'exploitations agricoles''. Je suis le seul à demeurer dans ces parages. » Interrogés, les services concernés rétorquent que le fellah en question a reçu en temps utile son quota d'aides et de subventions, mais il en redemande toujours. Plus loin à l'ouest, il y a à peine 30 ans, l'eau coulait dans le lit d'Oued Mlili. Aujourd'hui, il faut aller la chercher à des profondeurs inimaginables. D'ailleurs, la suppression de l'autorisation de forer, censée éviter la baisse alarmante du niveau des nappes, est ignorée par les fellahs au grand dam des spécialistes qui prédisent des catastrophes majeures à brève échéance dans les Ziban. En effet, des centaines de fellahs entreprennent clandestinement, non pas de nouveaux forages, mais de coûteux travaux d'approfondissement de leurs points d'eaux, ce qui revient au même avec en plus le risque réel de provoquer à chaque fois la pollution d'une nappe d'eau potable par une nappe d'eau salée ou chargée en calcaire par l'équipement des forages en tôle noire bon marché. Enfin, au sud-est du chef-lieu de la wilaya, les pasteurs nomades et les fellahs de la plaine d'Es Saâda - dont les chemins de parcours et les terres bénéficiaient naguère, à chaque crue de l'oued Sidi Zerzour, d'un apport alluvionnaire appréciable en plus de l'eau qui leur permettait d'engranger des moissons abondantes et d'engraisser à bon compte leurs bêtes - sont furieux. La mise en eau du barrage de la Fontaine des Gazelles situé à une quarantaine de kilomètres en amont les prive des dons du ciel. Le plus aberrant, c'est que l'étude n'a pas pris en compte cet aspect du problème.