Deux mois après son coup d'envoi, la grande manifestation culturelle arabe abritée par Alger ne trouve pas son rythme de croisière, celui tant espéré d'une fête populaire. Un évènement aussi essentiel ne pouvait pas se réduire à un cachet presque confidentiel dès lors qu'il lui manque l'engouement et l'interaction du public. Un public qui attendait de ce rendez-vous qu'il lui révèle, en les lui donnant à voir, des pans entiers de la culture arabe. A cet égard, il y a déjà un sentiment de frustration qui se dessine dans la mesure où les pays qui ont déjà pris part à cette rencontre culturelle arabe ne disposent que d'une semaine pour faire connaître leur patrimoine. C'est certainement très peu, car dans un laps de temps aussi réduit, il n'est pas possible, sauf à parer au plus pressé, de faire valoir par exemple un pays comme l'Egypte dont la richesse culturelle ne nécessite pas d'être soulignée. Une manifestation comme Alger capitale de la culture arabe devait, entre autres vocations, avoir celle éminemment pédagogique de faire découvrir et aimer une civilisation (arabe) souvent enfermée dans des clichés et des stéréotypes, voire entourée de préjugés. C'est dommage — pour le public algérien d'abord car il va de soi qu'une rencontre de cette ampleur ne se produit pas tous les ans. Fallait-il gaspiller une telle occurrence en ne la rivant pas à l'ambition d'en faire un succès éclatant non seulement pour Alger, mais pour tout le pays ? Au lieu de quoi on a vu se dessiner du ressentiment et de la rancœur sur fond de querelles de prérogatives autour de la question de savoir qui devait être le maître de cérémonie. S'ajoute à cela la désillusion exprimée par nombre d'artistes algériens de n'avoir pas été associés à cet évènement unique qui pouvait constituer pour eux un gage de reconnaissance et une occasion de rebondir. Il est incontestable qu'Alger capitale de la culture arabe intervenait à point nommé pour aider à relancer des activités culturelles plongées depuis longtemps dans un marasme chronique. Les divers projets algériens retenus au titre de l'année de la culture arabe constituent ainsi une ébauche d'éveil pour un secteur devenu léthargique faute de vision et de moyens. Dans cet ordre d'idées, une discipline comme le cinéma est hautement budgétivore, encore qu'il ne suffise pas de mettre en boîte des films s'il n'y a pas un réseau efficient de salles pour les accueillir et un public formé pour les recevoir. Or, combien de salles de cinéma répondant aux normes existent encore à travers tout le pays ? Moins d'une vingtaine. Ce sont les chantiers culturels colossaux que cette année arabe, à Alger, désigne en filigrane, car elle est aussi le lieu d'un défi à relever, celui d'arrimer la sphère artistique et intellectuelle à la dynamique de développement dans laquelle s'inscrit l'Algérie. Un enjeu qui n'exclut pas la cohabitation entre les idées et les industries culturelles génératrices de richesses et d'emplois. L'un des grands enseignements de cette année de la culture arabe à Alger serait, d'ores et déjà, d'initier un débat en forme d'état des lieux sur le champ artistique et intellectuel en Algérie. Avec en point de mire, l'objectif d'asseoir, dans le pays, une permanence de l'action culturelle.