Et parce qu'il ne pouvait faire les choses à moitié, il a quitté la fonction publique pour se consacrer pleinement à la céramique d'art. Depuis, cet ex-cadre du bureau d'études de recherche et d'ingénierie générale au ministère de l'Habitat, VRDiste de formation, est demeuré fidèle à sa passion. Et pour couronner le tout, ce monsieur, pardon cet artiste, qui a acquis le titre de maître artisan décorateur, a transmis sa ferveur à deux de ses enfants. Hadji Sid Ali, c'est de lui qu'il s'agit, a désormais pour complices Younes à l'étude, la conception et le développement, et la frêle Rym technicienne supérieure en céramique. Aujourd'hui, après avoir assis l'entreprise familiale fondée en 1987, en s'illustrant avec succès par des travaux d'aménagement, de restauration et de décoration, notamment en la capitale mondiale de la céramique, Limoges, il aspire à faire partager son savoir au plus grand nombre. Ainsi, il était cette semaine l'invité de la maison de la culture de Aïn Témouchent, première étape d'une tournée à travers d'autres institutions culturelles du pays, une tournée pour initier des enfants au travail de l'argile et à sa décoration sous le thème « Et si j'apprenais… ». A le voir à l'œuvre en passeur de savoir et de savoir-faire, on ne peut qu'être impressionné par son autre art de la pédagogie et de son respect de l'enfant. D'abord, il l'élève à son niveau graduellement en en faisant un partenaire. Il le « déscolarise » en établissant avec lui de vrais rapports, des relations à l'opposé de celles qu'institue le « corsetage » de la débilitante pédagogie officielle. Peu à peu, les enfants venus en groupe, deviennent apprenants, puis de studieux apprentis. Tout y est pour qu'ils réussissent, chaque pas étant valorisé. Jusqu'à l'erreur qui est mise à contribution pour mieux apprendre et non pour flétrir son auteur. On apprend tout d'abord à observer ou à le réapprendre, à discriminer les formes et les couleurs à partir de quatre différentes céramiques. Peu à peu, on pénètre le monde magique du zelij. Parce qu'il y est question de magie, celle des carrés magiques, ces grilles contenant des nombres disposés de telle sorte que leur somme est toujours la même tant en verticale, horizontale qu'en diagonale. Et si on relie les nombres du carré magique dans un ordre croissant, on obtient une figure où la symétrie des lignes se prête idéalement à la création de mosaïques. « Monsieur Eiffel n'a-t-il pas conçu sa tour en exploitant la grille védique ? », nous lance Hadji. L'intarissable conteur qu'il est avec les adultes, a la sagesse de se limiter à un niveau plus immédiat avec les enfants. Le tracé régulateur est identifié, la courbe, les motifs géométriques et le floral mieux perçus, toutes étapes qui fournissent des pistes pour un regard fécond. Puis, l'on passe à la connaissance des matériaux. On voit et on touche le kaolin, l'argile rouge et le sable. Et alors, le processus s'enclenche, celui de la main à la pâte. Hadji possédant l'art de mettre son monde merveilleux à portée de main des enfants, il était inévitable que le lendemain d'autres enfants soient là, les premiers conquis ayant fait passer le mot. Alors, si vous entendez parler du passage de cet artiste dans votre ville, accourez avec vos enfants et faites-vous enfants. Vous aurez grand plaisir à apprendre.