Est-il possible de « comparer » les systèmes parlementaires algérien et américain en matière d'élaboration des budgets ? Au Conseil de la nation, on pense — et on est sérieux — que c'est faisable. Aussi, des représentants de la National Conference of State Legislatures (NCSL) sont venus animer un atelier de formation sur « la procédure budgétaire et le contrôle parlementaire, outils et techniques ». Ron Bigelow, député de l'Utah, Janet Howell, sénatrice de Virginie, Nelson Fox, de la commission des services législatifs de l'Ohio, et Wayne Propst, analyste financier à l'Assemblée législative du New Mexico, sont, entre autres, intervenants à l'atelier qui se déroule, depuis hier, au siège du Conseil de la nation. La NCSL, qui est dirigée par William Pound, collabore déjà avec la chambre haute du Parlement depuis plus d'une année avec échange de délégations. Des parlementaires algériens sont souvent invités à son traditionnel Annual meeting qui regroupe des législateurs du monde entier (la NCSL est également active au Maroc, en Tunisie et au Liban). Selon Janet Howell, le département d'Etat a encouragé la NCSL, qui regroupe des représentants des partis démocrate et républicain, à renforcer son action en Algérie. Il s'agit d'apporter un soutien technique en matière de conception de lois. L'absence hier des présidents des deux chambres du Parlement, Abdelkader Bensalah et Amar Saâdani, n'a été expliquée par aucun intervenant. Même si la session de printemps est ouverte, depuis début mars, il ne semble pas avoir grande bousculade aux portillons de l'APN ou du Sénat. La fièvre des législatives de mai fait même oublier « la gestion » des affaires courantes ! Mouloud Habchi, président de la commission économique, a déclaré, à l'ouverture de l'atelier, que les sénateurs étaient intéressés par l'expérience américaine en matière de contrôle budgétaire. S'il n'y a aucune possibilité de faire un parallèle entre les deux systèmes, Mouloud Habchi n'a pas souligné les prérogatives limitées du Conseil de la nation. Conseil qui, en pratique, ne peut rien remettre en cause en matière de loi de finances (ce texte est toujours hors Constitution puisque le caractère organique n'est pas encore consacré). Pour Mouloud Habchi, « les instruments » de contrôle sont les questions, orales ou écrites, posées au gouvernement et les commissions d'enquête. La législature qui s'achève à l'APN n'a connu l'engagement d'aucune investigation. Ancien ministre des Finances, cadre du RND, Abdelkrim Harchaoui a, dans un langage qui ressemble à celui de l'opposition, reconnu l'absence du contrôle parlementaire sur les politiques budgétaires décidées par l'Exécutif. « Le député doit s'assurer de l'efficacité de ces politiques au niveau national ou local et évaluer l'impact sur les conditions de vie des citoyens. Or le député algérien n'a pas les moyens d'expertise qu'a le parlementaire américain », a-t-il dit soulignant l'inexistence d'agences d'études et d'évaluation des décisions budgétaires. L'élaboration d'un budget demeure, à ses yeux, la traduction d'une politique à long terme et non conjoncturelle. Abdelkrim Harchaoui a parlé de la loi de règlement budgétaire (qui contrôle les dépenses de la loi de finances) sans expliquer les raisons de l'absence de ce texte. Or la Constitution oblige le gouvernement à élaborer cette loi. Dans les coulisses du Sénat, on nous dit que l'Exécutif travaille sur un projet depuis trois ans. « Ce n'est pas facile », a estimé un sénateur sans dire où se situe « la difficulté ». Pour rappel, Mourad Medelci, actuel ministre des Finances, avait promis, l'année écoulée, de présenter une loi de règlement budgétaire à l'APN. Promesse non tenue. Sur le prix de base de 19 dollars le baril de pétrole, sur lequel est bâtie la loi de finances, Abdelkrim Harchaoui a eu ces interrogations : « Cette mesure est-elle intelligente ? Légitime ? Prudente ? » Sans réponse. L'argent, qui n'est pas « comptabilisé » dans la loi de finances, est, théoriquement, versé dans le fonds de régulation des recettes. Le montant réel de ce fonds demeure inconnu. L'intervenant a également évoqué les fonds spéciaux du Trésor dont le nombre est impressionnant. Abdelkrim Harchaoui s'est contenté d'en souligner l'existence sans trop de détails sur les affections éventuelles de ces fonds. A ce jour, le ministère des Finances n'a fourni aucun effort pour publier les détails de ces fonds. Les débats sur la loi de finances, au niveau de l'APN ou du Sénat, sont — c'est devenu courant — accompagnés de vraies-fausses polémiques qui font oublier l'essentiel. Pour le suivi du processus budgétaire législatif, Ron Bigelow a proposé, entre autres, de recruter des personnels compétents, de connaître les éléments qui composent un budget et de rester impliquer dans la procédure « tout au long de la délibération, de la promulgation et de la mise en application », jouer un rôle dans la procédure d'estimation des recettes... Cela est-il possible à l'APN ou au Sénat où l'évocation même du propre budget de ces deux chambres relève presque du tabou ?