Le ministre du Commerce confirme la « fuite » par nos frontières de produits alimentaires, dont les huiles de table, objet d'une forte tension sur le marché. « C'est un phénomène qui n'existe dans aucun pays au monde », déclare Nourreddine Boukrouh, invité, hier, de l'émission « Questions de l'heure » de la Chaîne III de la radio nationale. L'officiel note que l'Etat ne peut contrôler plus de 7000 km et appelle au « sens civique » pour mettre un frein à la contrebande. Il annonce la création prochaine d'un comité pour « coordonner » les actions contre la criminalité économique. Cette structure, dont la mise en place a fait l'objet hier d'une réunion au Palais du gouvernement, est composée des représentants des ministères du Commerce, des Finances, de la Justice, de l'Intérieur, de la police et de la Gendarmerie nationale. Le comité doit préparer les méthodes d'action de lutte contre la « délinquance économique » qui, selon le ministre, a pris des proportions alarmantes. Il ne s'agit pas, d'après M. Boukrouh, de recourir à la répression, mais d'établir un état des lieux avant de passer à l'action. « L'Etat, ces dix dernières années, avait d'autres préoccupations », explique-t-il. Occasion pour l'officiel d'évoquer la situation du commerce informel où il existe plus de 100 000 intervenants à travers le pays. Faut-il les mettre tous en prison ? « Non. Embarquer tout le monde n'est pas la solution. C'est d'abord une question de culture. Nous faisons appel au sens civique et à la conscience sociale des citoyens. Si chacun de nous évite d'aller acheter au niveau de ces marchés, ceux-ci finiront par disparaître. Il est tout de même anormal que quelqu'un dépose un cageot, en bordure de route, et commence à vendre de la viande en accrochant les morceaux sur un arbre ! », constate M. Boukrouh. Selon lui, il existe presque 1000 marchés informels en Algérie, dont 96 à Alger. Des solutions seront proposées pour « intégrer » ces marchands illégaux dans le circuit formel à travers, entre autres, la création d'espaces de vente. Des structures, telles que la Confédération nationale du patronat algérien (CNPA), appellent déjà le gouvernement, en prévision de la prochaine tripartite, à inscrire la lutte contre le commerce informel parmi les priorités. Tension Revenant au manque d'huile de table, le ministre, qui refuse de parler de pénurie, l'explique par la forte demande des fabricants de zlabia et par celle des consommateurs eux-mêmes. Il annonce que 1000 tonnes d'huiles sont consommées chaque jour. Il précise que quelques semaines avant le Ramadhan, les unités de l'ex-ENCG de Skikda, Annaba et Béjaïa avaient connu une rupture de stocks en matières premières. Cette situation a créé une tension sur le marché, obligeant les pouvoirs publics à faire « basculer » une partie de la production de l'huile de table vers l'est du pays, région réputée grande consommatrice de corps gras. L'officiel indique que la pression actuelle s'exerce surtout sur le bidon de 5 litres. Samedi dernier, Issaâd Rebrab, patron de Cevital et principal producteur privé d'huiles de table dans le pays, a accusé les spéculateurs et les contrebandiers d'être derrière la pénurie. Selon lui, les besoins nationaux d'huiles de table sont estimés à 400 000 tonnes par an. Besoins largement couverts par Cevital qui produit, d'après son premier responsable, 550 000 tonnes par an. Interrogé sur la colère des commerçants de Ghardaïa, situation qui a donné lieu à des heurts ces derniers jours, le ministre regrette le fait que les gens tombent dans le piège de la rumeur. « Ils ont dit que des contrôleurs allaient venir d'Alger et de Laghouat pour une opération coup-de-poing à Ghardaïa. Tout cela n'est pas vrai. Nous n'avons donné aucune instruction à nos contrôleurs pour ce genre d'opération. La colère des commerçants a été accentuée aussi par l'affichage d'une liste de logements sociaux », précise le ministre. Aux dernières nouvelles, plusieurs protestataires ont été interpellés par la police à Ghardaïa. Pour Boukrouh, les contrôleurs de la qualité et des pratiques commerciales sont souvent victimes des marchands. Une réflexion est engagée pour faire accompagner ces agents par des représentants de la force publique. Au nombre de 4000 actuellement, ces contrôleurs, qui procèdent à plus de 500 000 sorties sur le terrain par an, ne peuvent pas, selon le ministre, redresser une état des lieux où le respect des règles n'est pas une préoccupation des commerçants. Selon l'officiel, le défaut de facturation, les faux registres du commerce et la vente de produits impropres sont souvent constatés par les agents. M. Boukrouh appelle à une meilleure coordination avec la justice pour sanctionner les infractions préjudiciables à l'ossature économique du pays. Il annonce également la formation des agents de contrôle à la lutte contre d'autres phénomènes comme la contrefaçon et le piratage. Boukrouh rappelle que l'Algérie est engagée dans des négociations avec l'OMC, « qui vont bientôt aboutir », et que l'accord d'association signé avec l'Union européenne (UE) entrera en vigueur en 2005. Il souligne la détermination de l'Algérie de respecter ses engagements internationaux en matière, entre autres, de protection de la propriété intellectuelle.