Il n'y a pas de volonté politique au plus haut sommet de l'Etat pour lutter contre la corruption », a estimé le président de l'Association algérienne de lutte contre la corruption (AACC), Djilali Hadjadj. L'orateur a indiqué dans une déclaration faite hier que la corruption touche pratiquement tous les secteurs et la pratique des pots-de-vin concerne les entreprises publiques, privées ou étrangères. « La corruption touche à tout ce qui est commande publique, marchés publics, secteur de l'habitat, importation d'équipements... Malheureusement, aussi bien pour les entreprises économiques publiques et privées que pour les entreprises étrangères, la demande de commissions (pots-de-vin) est toujours systématique », a-t-il déclaré. La demande des pots-de-vin, a-t-il affirmé, se situe à hauteur de 10 à 15% du montant global du marché. Dans ce sens, Djilali Hadjadj a mis en garde les pouvoirs publics contre cette pratique qui, selon lui, risque d'engloutir les dizaines de milliards de dollars affectés à la réalisation des grands chantiers du président Bouteflika. « Si on devait estimer que 10% des commandes publiques, pour les cinq prochaines années, représentaient des pots-de-vin, cela peut supposer que 10 à 15 milliards de dollars du budget des 100 milliards de dollars destinés à la réalisation des grands projets, tels que l'autoroute Est-Ouest et les grands chantiers de l'eau, vont partir sous forme de corruption », a-t-il expliqué. Il précisera ainsi qu'« il est temps que l'Algérie se mette à lutter réellement contre ce mal ». Pour cela, a-t-il indiqué, il faut activer les mécanismes de contrôle et leur donner les moyens nécessaires pour accomplir leurs missions. Selon lui, l'Inspection générale des finances (IGF) ne travaille pas d'une manière cohérente, claire et souffre d'insuffisances en matière de moyens lui permettant d'accomplir sa mission. Pis encore, cet organisme de contrôle a été même bloqué. « Il y a eu même des rapports, nous le disons et nous l'assumons, qui n'ont pas été retranscrits d'une manière fidèle, il y a eu des rapports manipulés et même de la corruption au sein de l'IGF : des inspecteurs qui ont eu des promotions non méritées », a-t-il soutenu. La réforme de cette inspection, annoncée tout récemment par le ministre des Finances, risque, selon notre interlocuteur, d'échouer d'autant que l'IGF ne sera pas détachée de la tutelle et que son indépendance est compromise. La seule garantie de l'indépendance de cette inspection reste, a-t-il souligné, sa réhabilitation en élargissant son champ d'action. Il faut également que son indépendance soit davantage affirmée. Cela concernera aussi la nouvelle agence gouvernementale de lutte contre la corruption. Cette agence, créée conformément à la loi du 20 février 2006 de lutte contre la corruption, doit, selon lui, jouir d'une indépendance totale. « La création vient comme résultat de la ratification par l'Algérie de la convention de l'ONU contre la corruption en 2003. Celle-ci prévoyait, éventuellement, pour les pays qui le souhaitaient la mise en place d'une agence gouvernementale », a-t-il lancé. Et d'ajouter : « Quand on crée cette agence on reconnaît que les institutions de l'Etat n'ont pas fait leur rôle. Je fais allusion aux services de sécurité, aux brigades économiques et financières, à l'IGF, à la Cour des comptes et à la justice ». Mais, Djilali Hadjadj relève, dans les textes d'application de cette agence, promulgués en novembre 2006, des dispositions qui remettent en question l'indépendance de cette agence. Afin d'accorder une crédibilité à cette agence, il faut, a-t-il recommandé, placer des gens compétents en son sein, l'ouvrir à la société et publier annuellement ses rapports.