Nous avons des éléments d'information et d'appréciation qui montrent que le gouvernement britannique n'a pas une réelle volonté politique de coopérer avec l'Algérie pour ce qui est de l'extradition de Abdelmoumen Khalifa », a déclaré, jeudi à Alger, le président de l'Association nationale de lutte contre la corruption, Djilali Hadjadj. Se disant « conscient de la gravité » de ses propos qu'il dit assumer, l'invité de l'émission « Rencontre du jeudi » de la Chaîne II de la Radio nationale se base sur trois éléments corroborant la volonté de la Grande-Bretagne de passer outre le souhait des autorités algériennes d'obtenir l'extradition de l'ex-milliardaire algérien. En premier lieu, selon lui, « la Grande-Bretagne est un très mauvais élève » en ce qui concerne la lutte contre la corruption. Selon Djilali Hadjadj, ce pays, qui a déjà signé la convention de l'OCDE, a échoué au premier examen d'évaluation, en lui faisant comprendre qu'il n'a pas pris toutes les dispositions d'application de cette convention. Autre facteur démontrant que la Grande-Bretagne n'a pas cette volonté politique de lutte contre la corruption, explique encore M. Hadjadj, « récemment, dans le cadre de transactions commerciales de vente d'armement britannique à un important pays acheteur, un organisme judiciaire britannique a démontré qu'il y avait corruption dans cette transaction et avait recommandé au gouvernement britannique de ne pas conclure ce marché ». « Mais, selon lui, le gouvernement de Tony Blair, le 14 décembre 2006, décide de passer outre les conclusions de l'organisme britannique, qui a démontré qu'il y a corruption dans ce marché. Comme troisième élément, M. Hadjadj cite l'article 44 de la Convention des Nations unies pour la lutte contre la corruption, qui ouvre une brèche pour faciliter l'extradition dans le cadre de la lutte contre la corruption, mais non respecté par la Grande-Bretagne. Du côté français, l'invité de la Chaîne II révèle qu'il y a une forte volonté de blocage de la justice française dans l'affaire à travers les entreprises Khalifa qui étaient en France. » Djilali Hadjadj a déclaré, par ailleurs, que l'ouverture du procès El Khalifa Bank reflète la volonté politique de l'Etat de lutter contre le phénomène de la corruption. L'orateur a indiqué que « le fait que procès Khalifa puisse débuter est un élément important qui montre qu'effectivement cela traduit une volonté politique au plus haut niveau de commencer à prendre le taureau par les cornes ». Il considère que dans des affaires de corruption, comme celle de Khalifa, « la justice doit prendre tout le temps nécessaire » pour se prononcer. Les magistrats et les autres parties en charge du dossier « ont une grande maîtrise des mécanismes juridiques de lutte contre la corruption », a-t-il ajouté, précisant que « dès les premiers jours du début de ce procès, le collectif chargé du dossier a fait preuve d'une grande maîtrise dans la gestion du procès ». M. Hadjadj reconnaît, néanmoins, qu'il y a encore des « zones d'ombre » dans cette affaire, mais, selon lui, « il faut pour le moment laisser la justice faire son travail ». Le conférencier regrette le fait que le gouvernement n'ait pas pris des « mesures conservatoires » à l'encontre des personnes, exerçant des fonctions au niveau des institutions de l'Etat et des grandes entreprises, impliquées dans l'affaire Khalifa. « Le gouvernement aurait dû demander à ces personnes leur fonction et de se présenter à l'instruction judiciaire », a-t-il estimé. Il considère qu'il est extrêmement grave qu'un PDG d'une grande entreprise publique puisse se présenter en tant qu'inculpé à un procès tout en étant toujours dans l'exercice de ses fonctions. Après avoir évoqué les conditions de l'élargissement des activités du groupe Khalifa, M. Hadjadj a émis le souhait de tirer les leçons de l'expérience Khalifa en mettant en place les mécanismes susceptibles de lutter contre ce genre d'affaires afin d'éviter sa réédition, citant au passage que la grande partie de l'argent qui a été mis à El Khalifa Bank est venue des caisses de la sécurité sociale. Au plan législatif, l'invité de l'émission a affirmé que « le problème qui se pose en Algérie réside dans l'état d'application des lois beaucoup plus que dans leur élaboration », estimant que « la loi sur la prévention et la lutte contre la corruption adoptée le 20 février 2006 renferme des carences, notamment celles relatives à l'implication de la société civile dans la lutte contre la corruption », qui est, selon lui, citée dans le texte de loi de « façon superficielle ». Djilali Hadjadj considère que la loi du 20 février 2006 de prévention et de lutte contre la corruption est en retrait (dans plusieurs de ses articles) par rapport à la Convention des Nations unies. Il cite à ce titre l'article intitulé « Protection des dénonciateurs », qui, selon lui, ne garantit rien en termes de protection des dénonciateurs. Djilali Hadjadj estime qu'il n'y a pas un « consensus » au sein du gouvernement en ce qui concerne la lutte contre la corruption. M. Hadjadj a appelé à la nécessité d'établir un dialogue entre tous les concernés dans le but de mettre en place « une stratégie nationale » de lutte contre la corruption. Pour lui, il faut une stratégie pour mettre en place un système national d'intégrité qui permet plus de transparence, de démocratie et de liberté d'expression au niveau des citoyens.