Ainsi, cette rencontre est entamée lundi à la BN avec le poète, traducteur et critique Paolo Guzzi, qui a lu des poèmes de son œuvre. Entre autres poèmes récités, Ulysse, où il dit : Entre deux hautes falaises Qui limitent le détroit, Le bateau se faufile, rapide : Ulysse regarde vers le large Il songe à la dernière arnaque qu'il fit A Polyphème par son nom polysémique : Oudeis-Persona Que les sirènes des ambulances renvoient (...) Au milieu des pluies acides et des clous De la mitraille. Le soldat vient de divorcer A la malchance, il ajoute celle du paysan, Qui protège le corps de sa femme : Il disparaît à la recherche de son île malheureuse, Brumeuse par la fumée des explosions, Ulysse moderne, on l'envoie à la guerre, Il veut oublier le chant des sirènes (..) Dans un autre poème intitulé La guerre et la paix, le poète égrenne ces mots : La source de la paix c'est : quand on va à la mer, Le jour de la fête, Quand on sourit aux femmes dans la pizzeria, Quand on parle en paix avec les copains Et presque entre deux âges, suspendus aux nuages, Qu'on aime, dans l'ambiance d'un après-midi solaire, Prendre une glace, après la lecture d'un livre (...) Quand les gens se noient dans leur orgueil, Alors : Le germe de la guerre se répand Dans les trafics de fin de semaine Dans l'inquiétude pour le boulot, Dans le cœur qui sursaute et perd son rythme : Le germe de la guerre est dans l'argent, Quand la paix est en guerre pour la guerre, Alors : Nous assistons en silence, impuissants, Pâles à cause de la paix, qui s'en va, Fous à cause de la guerre qui arrive Notons que Paolo Guzzi compte de nombreux recueils de poésie à l'exemple de Consumo pro capite (1972), Continuum (1985) et Verbatim (2003). Côté essayiste, il a publié entre autres Il teatro a Roma (1998). Aussi, il a traduit de nombreuses œuvres connues, à commencer par Dom Juan de Molière et Juliette de Sade. La rime de la contestation ou la contestation par la rime La journée de mardi a été consacrée à la « poésie de contestation dans la littérature italienne ». Titre de la conférence animée par Paolo Guzzi à la BN. Dans son intervention, ce dernier estime que « l'action de se pencher sur la page avec pour le but d'écrire un poème, c'est déjà un geste de provocation contre l'habitude et le quotidien ». En se référant à Larousse, il voit dans la contestation le fait de « remettre en cause ». Mais cela signifie aussi discuter sur « tout ce qui concerne l'ordre, le déjà-vu et les idées reçues ». Certes, « tous les poètes sont des révoltés », en parallèle, il y a des poètes plus « enragés » que d'autres par rapport « à la vie et à la poésie ». L'intervenant a ensuite dressé un panorama sur ce genre de poésie du Moyen-Age à ce jour. Exemple des poètes du XIIIe siècle, il cite Cecco Angiolieri marqué par son « goût de chanter la pauvreté, la laideur des vieilles femmes ». Il est « contre la pauvreté et la corruption, contre l'amour pour l'argent. Il déteste son père ainsi que sa mère, il déteste le monde entier ». Dans un de ses poèmes, Angiolieri s'exprime ainsi : Si j'étais le feu, je brûlerais le monde entier ; si j'étais le vent, je déchaînerais la tempête ; si j'étais l'eau, je le noierai ; si j'étais Dieu, je le ferais plonger (…) Si j'étais Cecco, je le suis et je le fus, je garderais les femmes jeunes et jolies ; les vieilles et les boiteuses je les laisserais à autrui. Le XVe siècle a vu naître, entre autres poètes, Burchiello, connu pour son opposition à la famille des Médicis au pouvoir à l'époque à Florence, il cultive le jeu de l'absurde. Il n'use pas de métaphore et « créé la réalité par le langage et laisse tout à une interprétation ouverte à toutes les solutions ». Le XVIe siècle voit l'émergence de Berni, qui remet en cause l'idée de la poésie classique et humaniste et le principe d'imitation, lequel « n'est que copie et plagiat ». Pour le conférencier, la poésie de Berni est d'un caractère « grotesque où règne le paradoxe ». Autre poète de la même époque, il cite Teofilo Felengo qui « met en ridicule la langue latine et le monde classique » en usant d'un langage dit « macaronique ». Langage qui se traduit par l'« imitation de l'intonation et de la structure des mots latins, surtout par la terminaison des mots, qui semblent du latin mais qui ne le sont pas ». De par cette procédure, le poète a un but précis. Il consiste à « supposer à l'érudition des temps, et surtout son exploitation comme moyen d'avoir des privilèges. Folengo conteste par son latin, son père notaire, les prêcheurs catholiques qui entassaient depuis le Moyen-Age des discours qui regroupent de terribles fautes de latin ». Abordant le XVIIe siècle, l'intervenant relève une « riche floraison de poètes gais, satiriques », usent des « barbarismes », « jeux de mots », « caricatures » pour manifester leur hostilité à l'égard de la société politique et littéraire du temps. Parmi ces poètes est cité Lodovico Leporeo. Le XVIIIe siècle sonne le « retour au classique » et la domination du rationalisme et de la philosophie. C'est ce qui se reflète dans la poésie de Parini et Alfieri. Vers la fin du siècle s'introduisent « les premiers accents du romantisme et les aspirations à la liberté des peuples à la recherche de l'égalité et de la fraternité ». La tendance romantique des poètes Aleardi et Prati a fondé à la moitié du XIXe siècle une sorte d'école opposée à ce courant appelée la Scapigliatura. Les scapigliati, signifiant « ceux qui ne se peignent pas, qui ont les cheveux longs et ébouriffés », sont anticonformistes et mènent une vie de bohème. L'exemple de Arrigo Boito qui écrit : Son, lumière, ombre angélique Papillon ou ver dégoûtant Je suis un ange déchu Condamné à errer par le monde Ou un démon qui monte L'aile fourbue vers un ciel lointain. Au début du XXe siècle naquit le futurisme, dont le précurseur est le peintre Marimetti. Ce courant artistique et littéraire qui a vu le jour à Paris se traduit par « cette rage de la destruction et cette révolte contre le passé » tombe dans l'oubli en 1944, avec la mort de Marimetti. La deuxième moitié de ce siècle assiste à la naissance du Gruppo 63 avec Alfredo Giuliani, Edoardo Sanguineti, Elio Pagliarani, Nanni Balestrini, Antonio Porta, pour ne citer que ceux-là. Ils prônent « une voix qui devait faire comprendre au public les textes, les vers qui devraient se produire, la vie quotidienne et les situations de tous les jours ». En parallèle, Pasolini marque cette période par son esprit critique et d'engagement. Qu'en est-il de la poésie italienne d'aujourd'hui ? Paolo Guzzi relève la prolifération de poètes « linéaires » versification « libre ». Il parle aussi des poètes « réputés qui publient seulement des livres traditionnels, chez des maisons d'édition très renommées. Ils sont en général peu engagés au point de vue politique, passent à la télévision et vendent leurs livres par lesquels ils nous donnent une vision du monde où ils se trouvaient, avec leurs joies, souffrances, idées, sensibilité, des fois leur sensiblerie ».