L'Algérie ne se contente pas d'annoncer son soutien au peuple sahraoui. Elle s'applique à faire appliquer ce principe comme vient de le faire le ministre des Affaires étrangères durant son séjour aux Etats-Unis. La question avait été abordée avec éclat lors de la visite en Algérie du souverain espagnol, et, cette fois, le débat est porté dans l'enceinte-même du Conseil de sécurité à un mois exactement de la fin du mandat de la Mission des Nations unies pour le référendum au Sahara-Occidental (Minurso) et de l'examen régulier par cette instance de la question du Sahara-Occidental. Faisant le bilan de ses différentes rencontres, Mohammed Bedjaoui a déclaré avoir « mis en garde les différents membres du Conseil de sécurité sur la responsabilité historique qui pourrait être la leur s'ils venaient à sortir de la légalité internationale en avalisant le projet d'autonomie interne », que le Maroc envisage de soumettre à l'instance onusienne. « Sortir de la légalité internationale reviendrait à s'écarter des décisions pertinentes de la communauté internationale, rejetant le fait colonial marocain au Sahara -Occidental, depuis déjà 1974, et militant en faveur de l'autodétermination du peuple sahraoui », a-t-il expliqué à l'issue de sa tournée à New-York et à Washington. « La plupart de mes interlocuteurs sont conscients de l'importance de trouver une solution juste à une occupation coloniale, la dernière sur le continent africain, qui dure depuis plus de trente ans », a poursuivi M. Bedjaoui, ajoutant que cette « occupation ne fait qu'accroître les souffrances du peuple sahraoui ». Le ministre des Affaires étrangères a précisé que ses interlocuteurs sont « aussi conscients qu'il ne peut être question, malgré les pressions, de faire dévier l'ONU dangereusement vers une impasse ». Il a encore indiqué avoir expliqué les préoccupations de l'Algérie à voir rapidement se régler un problème qui est un déni du droit d'un peuple à disposer de son avenir. « Parce que l'Algérie connaît le prix de la liberté des peuples, nous ne pouvons rester indifférents au sort des 150 000 réfugiés sahraouis accueillis sur le sol algérien », a souligné le ministre des Affaires étrangères, affirmant : « C'est pourquoi nous soutenons le principe de l'autodétermination des peuples, le seul à même de garantir la stabilité dans une région qui n'a que trop souffert des violences et de l'instabilité. » M. Bedjaoui s'est, par ailleurs, dit « rassuré » sur le fait qu'il ait trouvé « un écho favorable » chez la majorité de ses interlocuteurs, « préoccupés par l'exigence de faire respecter les engagements de la communauté internationale sur la question sahraouie et de ne pas céder à l'attrait d'une quelconque solution qui outrepasserait le cadre de la légalité internationale ». « J'ai eu des échos tout à fait réfléchis et favorables », a-t-il soutenu. M. Bedjaoui a signalé, à propos du « projet marocain », que ses interlocuteurs « disent avoir entendu parler d'un projet de solution que préparerait le Maroc, mais personne n'a entre les mains les détails de ce plan d'autonomie interne dans le cadre de la souveraineté marocaine que voudrait accorder Rabat au peuple sahraoui », a-t-il indiqué. Il a précisé qu'un tel « projet est en contradiction flagrante avec les dispositions déjà existantes quant au règlement de la question sahraouie ». ` En ce qui concerne la position de l'Algérie vis-à-vis de ce plan que partagent de nombreux pays, « ils s'opposent, a-t-il souligné, à toute solution unilatérale et récusent ce projet qui signifie tout simplement une autonomie captive qui s'insère ad vitam eternam et définitivement dans le cadre de la souveraineté nationale marocaine ». Critiquant ceux « qui voudraient que l'on prenne tout de même connaissance de ce plan marocain », le chef de la diplomatie algérienne a réaffirmé qu'une « proposition unilatérale renie les engagements de l'ONU qui sont de mener le peuple sahraoui à exercer librement son droit à l'autodétermination et à choisir son avenir ». « L'autodétermination que l'on souhaite réaliser pour le peuple sahraoui implique véritablement que le processus soit mené de bout en bout par les Nations unies de manière à avoir un référendum sincère, transparent, libre, objectif et absolument irréprochable à tous égards », a poursuivi M. Bedjaoui. Interrogé sur la position américaine à ce sujet, le ministre des Affaires étrangères a dit avoir senti un « intérêt » plus marqué chez ses différents interlocuteurs, « y compris Mme Rice », qui ont manifesté la « volonté de voir se dessiner une solution qui rétablisse la stabilité dans la région ». « Les Américains disent s'en tenir à l'application des solutions qui seraient prises au sein de l'ONU. Ils mesurent parfaitement les enjeux régionaux et voudraient voir un aboutissement heureux à un problème qui n'a que trop duré », a fait remarquer le chef de la diplomatie algérienne. « Je souhaite que les Etats-Unis prennent parfaitement conscience, dans le cadre de leur politique extérieure, qu'il est impératif de faire respecter la légalité internationale », a-t-il conclu. Seule la France s'est déclarée satisfaite de ce plan, tandis que le Premier ministre espagnol déclarait depuis Rabat qu'il accueillait le texte « avec intérêt », suscitant une vague de contestations jusque dans les rangs de son propre parti, le PSOE.