Le président du Sénat italien a proposé de créer une banque euro-méditerranéenne pour financer des projets dans les régions pauvres du Sud où « le terrorisme peut trouver un soutien ». Puissance économique, l'Europe n'arrive pas à s'imposer sur le plan international. Hier, lors d'une conférence diplomatique au Conseil de la nation à Alger, Franco Marini, président du Sénat italien, a osé le mot, même s'il ne l'aime pas : « Nain politique ». La cause en est simple : l'Union européenne (UE) n'est pas encore en mesure de développer une stratégie étrangère commune. Pourquoi ? « Absence d'une réelle politique de défense et de sécurité », a expliqué le parlementaire italien. En 1999, l'UE s'est dotée de « la politique européenne de sécurité et de défense » (PESD) qu'elle peine à mettre en pratique. Sept ans auparavant, au sommet de Maastricht (Pays-Bas), l'UE, moins grosse qu'aujourd'hui, avait lancé la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) dont la PESD n'est qu'un outil destiné, entre autres, à prévenir et à gérer des conflits hors continent. L'échec de ses politiques a été, pour M. Marini, illustré par l'incapacité à résoudre la crise des Balkans. Crise traitée, en partie, après l'intervention de l'Otan et des Etats-Unis. Les stratèges de Washington estiment que la PESD est incompatible avec l'engagement des pays européens au sein de l'Otan dont le siège est à Bruxelles. Le débat n'est pas clos, même si les Accords de Berlin de 2002 avaient mis des balises pour éviter des surcharges entre les missions de l'Otan et les opérations de la PESD (les forces européennes sont présentes actuellement en Bosnie). Selon M. Marini, la coopération en matière sécuritaire se porte bien entre les pays de l'UE et ceux de la rive sud de la Méditerranée. L'après-11 septembre a fait que tous les riverains accordent leurs violons dans la lutte contre le terrorisme. C'est probablement le seul aspect qui évolue dans le cadre de ce qui est appelé le processus de Barcelone, lancé en 1995. M. Marini reconnaît la faiblesse de ce processus euro-méditerranéen imputable à plusieurs raisons. Il y a d'abord cette habitude de l'UE de regarder vers l'Est. L'élargissement semble prioritaire au partenariat. La politique de bon voisinage (PEV), défendue par Bruxelles, n'est pas encore visible de l'autre côté de la mer. « L'Italie est le seul pays européen physiquement impliqué en Méditerranée. L'Espagne l'est aussi, mais avec un regard sur l'Atlantique », a noté le conférencier. Il y a ensuite « le blocage » des décisions prises dans le cadre du processus de Barcelone, faute d'instruments d'application. Il y a enfin le peu d'implication des pays du Sud dans ce processus. « On doit trouver ensemble des solutions à des problèmes communs », a-t-il suggéré. M. Marini a plaidé pour une participation plus active des Parlements pour redonner un nouveau souffle à ce processus. Il a proposé de créer une banque euro-méditerranéenne pour financer des projets dans les régions pauvres du Sud où « le terrorisme peut trouver un soutien ». L'Europe doit donner, selon lui, plus de crédits aux pays dans le besoin au lieu « d'éparpiller les financements ». A ses yeux, seule une politique économique efficace peut remettre sur les rails le partenariat entre les deux rives aux fins de rendre possible la création d'une zone de libre-échange à l'horizon 2015. « Démarche à accompagner par le renforcement de la démocratie et le respect des droits humains », a-t-il dit. Constatant que les jeunes sont plus nombreux ici qu'en Italie (deux fois plus peuplée que l'Algérie), M. Marini a proposé l'intensification des échanges entres les universités à la faveur du projet Erasmus. L'Italie, qui est le premier client de l'Algérie dans la zone européenne et son deuxième fournisseur après la France, peut, selon lui, aider à l'émergence des PME. A cet effet, il a annoncé la venue, en juin 2007, à Alger d'une délégation d'hommes d'affaires italiens. Qualifiant la zone méditerranéenne de stratégique, il a rejeté la notion de choc des civilisations considérée comme « une idée folle ». Il a plaidé pour le dialogue des cultures et estimé que « relancer le processus de paix au Moyen-Orient » est nécessaire. Autant que la stabilisation de la région méditerranéenne et la lutte contre l'immigration clandestine. Il a annoncé qu'à Rome le Parlement votera des « lois sévères » pour lutter contre l'exploitation des immigrés clandestins. M. Marini a visité dans l'après-midi d'hier des sites touristiques à Ghardaïa. Ancien syndicaliste, Franco Marini, 74 ans, est membre de Margherita (Marguerite), un mouvement chrétien-libéral de centre gauche et président du Sénat depuis avril 2006.