Hier, il a plu abondamment même, comme la semaine dernière. Les rafales de vent étaient perceptibles et chacun de nous trouvait au moins refuge dans une demeure chauffée. La nuit, le vent, on l'entend seulement, et tout le monde dort au clapotis des gouttes de pluie. Enfin, presque tout le monde, car il y a ceux qui ne font apparemment pas partie de nous. Ceux qui hument le vent et ingurgitent les eaux pluviales. Ce sont 18 personnes formant deux familles qui vivent dehors à la merci de Dame Nature. Ces familles habitent dans deux tentes déchiquetées, entre la décharge communale de Zef-Zef et le cimetière du même nom. Ces gens vivent ainsi depuis voilà plus d'une année. Ils n'ont attiré l'attention de personne, sauf des camions-bennes à ordures qui passent à longueur de journée ou des cortèges funèbres. Mais que peuvent bien faire les morts si les vivants sont atteints de cécité ? Ces 18 personnes ont perdu leurs domiciles après un glissement de terrain, qui avait failli tout emporter, on s'est empressé alors de leur offrir deux tentes, quelques kilogrammes de pâtes et des tonnes de mépris. Depuis… ils vivent au jour le jour, à l'ombre des chaleurs d'été et leurs serpents et des rigueurs hivernales. Parmi ces personnes, il y a un bébé, deux jumeaux handicapés et un vieillard. Le bébé est d'ailleurs né dans une tente et il y vit toujours. Aux dernières nouvelles, il présentait de graves symptômes d'une infection ophtalmique occasionnée, selon des médecins, par le taux élevé de l'humidité des lieux. Les jumeaux, aveugles à 100%, trébuchent souvent au milieu des décombres, et la nuit ils n'arrêtent pas de pleurer de peur et de froid. Ces personnes ont tout tenté et ont approché tous les responsables sans parvenir, à ce jour, à obtenir un abri décent. A l'APC, on leur a déclaré que la commune ne gère pas les logements et ne dispose pas d'abris. Cette même APC dispose de plusieurs logements évolutifs non occupés à Lahghouat et à Boulkeroua, et aurait même attribué un de ces logements à un de ses proches cadres. Bref, les personnes de Zef-Zef ne sont pas des cadres, ni à l'APC, ni ailleurs. Elles continueront apparemment à cohabiter avec les ordures et avec les morts, en espérant qu'une âme charitable viendra enfin à leur secours.