Le séminaire sur " le risque bancaire et les règles de Bâle II ", organisé par l'Union des banques maghrébines les 15 et 16 mars 2007, a réuni à Tunis de nombreux cadres du secteur bancaire des cinq pays de la région, venus débattre de la nouvelle problématique des règles de Bâle II. L'actuel accord sur les fonds propres Bâle I, en tant que rapport entre les fonds propres et les risques pondérés, a permis l'harmonisation avec succès de la réglementation des risques de crédit sur le plan international, où pas moins d'une centaine de pays ont souscrit à ce dispositif, alors qu'il était prévu à la base de le mettre en œuvre uniquement dans les pays du G 10 et de l'Union Européenne. Cependant, l'évolution rapide de la pratique bancaire courante a poussé le Comité de Bâle à entreprendre le remaniement du dispositif actuel sur les fonds propres et de reprendre les travaux sous la forme d'un nouvel ensemble de règles " Bâle II ", l'objectif étant de rapprocher la réglementation bancaire de la pratique actuelle en la matière, et une fois de plus, de renforcer la stabilité du système financier. Au cours de ce séminaire, plusieurs communications ont été données par des experts financiers venus de France, de Grande Bretagne, et des pays du Maghreb Arabe, notamment du Maroc et de la Tunisie, pour parler de leurs expériences respectives en matière d'application de la réforme Bâle II. Cette réforme repose sur la quantification de la relation entre risques et fonds propres, ces derniers représentant le moyen ultime permettant de faire face à des pertes importantes. En pratique, il s'agit de respecter un ratio réglementaire entre fonds propres et actifs pondérés par leur niveau de risque. Au delà de cette limite quantitative, la réforme Bâle II s'attaque au processus métier d'évaluation et de gestion des risques dans une perspective qualité. Elle prend en compte et place ses exigences sur les systèmes de notation et de surveillance, et autre nouveauté, ne se limite plus aux seuls risques " classiques " comme le risque de crédit ou les risque de marché (taux, intérêt, actions, matières premières), mais couvre aussi le risque opérationnel, considéré implicitement dans Bâle I, comme faisant partie du risque de crédit. Le dispositif repose sur trois types d'obligations (3 piliers) : Exigence minimale de fonds propres (Pilier I) Les établissements bancaires devront disposer d'un montant de fonds propres au moins égal à la somme des montants calculés selon l'une des méthodes proposées pour chacune des catégories de risques : risque de crédit (standardisée, IRB fondation, IRB avancée ) risque de marché ( standardisée , mesure interne ) risque opérationnel ( indicateur de base , standardisée, mesure interne ) Renforcement du dispositif de surveillance et de supervision bancaire (Pilier II) Les autorités de contrôle devront s'assurer que chaque banque est dotée de processus internes " sains " lui permettant de vérifier l'adéquation de ses fonds propres sur la base d'une évaluation complète des risques qu'elle encourt. Les autorités de contrôle disposent de pouvoirs renforcés et pourront en particulier imposer, au cas par cas, des exigences de fonds propres supérieures à celles résultant de la méthode utilisée. Discipline de marché et Communication financière (Pilier III) Les établissements bancaires étant soumis à " la discipline de marché " seront tenus de publier des informations complètes sur la nature, le volume et les méthodes de gestion de leurs risques ainsi que sur l'adéquation de leurs fonds propres. Les nouvelles règles de Bâle II constituent une réforme structurante qui nécessitera de toute manière des investissements dans les technologies de l'information ( systèmes d'information, communication ), dans le développement de la gestion des risques et aussi dans les domaines de la formation et du recrutement notamment dans des filières spécifiques ( statistiques, économétrie ).Si les pays européens, et une bonne partie du G 10 ont accompli un grand pas en procédant à la mise en œuvre de l'accord de Bâle II dès fin 2006 , la situation est, en revanche, différente d'un pays à l'autre du Maghreb Arabe, où chacun de ces pays développe sa propre expérience en fonction de ses particularités. Si la tendance générale qui semble se dessiner chez l'ensemble des participants présents est de souscrire à la mise en œuvre de cette nouvelle réglementation pour une gestion saine des risques, force est de constater que le rythme imprimé à cette réforme n'est pas analogue d'un pays à l'autre car pendant que certains sont encore au stade de la réflexion et de l'intention, d'autres à l'image du Maroc et de la Tunisie ont déjà accompli un bon parcours dans le sens de la préparation de leurs systèmes financiers à la transposition de Bâle II. Le passage à Bâle II dépend, certes, de la volonté des pouvoirs publics pour des considérations de politique économique, il reste, cependant, qu'il est fondamentalement tributaire du niveau de développement du secteur financier. L'expérience du Maroc et de la Tunisie, nos voisins immédiats, (l'expérience algérienne n'ayant pas été exposée à cette importante rencontre maghrébine) a montré, en effet, que la réforme Bâle II est un processus qui nécessite la mise en place d'un certain nombre de pré- requis, notamment l'existence d'un système d'information performant, une ressource humaine qualifiée, et un environnement adéquat (institutionnel, fiscal, juridique, etc ), le tout concourant à la réalisation d'objectifs clairement définis. Si ces facteurs font défaut, une mise à niveau s'impose. Il est utile de rappeler, à cet effet, que nos deux voisins sous l'inspiration de modèles étrangers ( benchmark ) possèdent aujourd'hui une bonne longueur d'avance pour avoir engagé depuis quelques années déjà un échange d'idées et un dialogue intensif entre les différentes instances de surveillance et de réglementation et les représentants de la profession bancaire dans le but de se conformer aux nouvelles règles imposées par Bâle II ( installation de commissions techniques mixtes, réunions périodiques d'évaluation ,etc ) . A ce titre, et au terme d'un long processus de discussion et de négociation entre les différents partenaires concernés qui a duré entre 3 à 4 années, le système financier marocain se prépare depuis 2005 à la transposition des nouvelles règles de Bâle II. Considérant Bâle II comme une opportunité à saisir (non obligatoire), les autorités de régulation en Tunisie ont entamé, à leur tour, la mise en œuvre du nouvel accord en l'intégrant au dispositif institutionnel national. La démarche entreprise a permis ainsi d'arrêter un calendrier pour l'implémentation de Bâle II où les banques, partie prenante, sont invités dans l'étape actuelle à respecter le dispositif mis en place relatif à l'assainissement de leurs portefeuilles respectifs à l'horizon 2009 : un ratio de 15% des créances classées du total des créances ; un taux de couverture de 70%. En conclusion, il est indéniable de reconnaître que Bâle II représente pour les banques bien plus qu'une palette de méthodes internes pour calculer les exigences de fonds propres, en leur permettant de s'orienter vers les exigences émises pour la gestion des risques et également vers les " bonnes pratiques ".Le nouvel accord comprend également de manière explicite les nouvelles procédures de droit de surveillance (pilier II) et des obligations de publication (pilier III) plus sévères qui permettent au marché d'exercer son pouvoir disciplinaire.A cet effet, l'ensemble des participants ont été unanimes à reconnaître la complexité de la tâche, mais aussi et surtout le nature de l'enjeu et le formidable défi à relever. L'auteur est : Cadre supérieur de banque