Les ex-émirs de l'AIS, à leur tête Madani Mezrag, n'ont pu s'infiltrer dans les listes des partis ni réussi à se présenter comme candidats indépendants. Aussi ont-ils décidé de changer de fusil d'épaule et se lancer dans la création d'un parti politique, sur les restes évidemment du FIS dissous. Ils ont compris qu'ils possèdent deux précieux alliés : le temps et l'usure du pouvoir en place. Quand l'Algérie républicaine et résistante avait pris le dessus sur les intégristes religieux et sur les terroristes, vers la fin de la décennie 90, une première bouée a été lancée à ces derniers : la Rahma, puis quelque temps après, la grâce amnistiante, puis la concorde civile en 2002 et enfin la Réconciliation nationale. Chaque étape a été plus bénéfique que la précédente, les concessions des dirigeants se faisant à chaque fois plus importantes. Les émirs repentis et chefs islamistes sont persuadés aujourd'hui que l'interdiction d'activité politique fixée par la Charte finira pas être levée et que sera prononcée à leur égard l'absolution pure et simple. Cette conviction, ils la puisent d'un simple constat : l'islamo-conservatisme est l'idéologie sur laquelle se fonde le régime actuel qui, pour cela, compose avec les tenants et a mis en place une alliance de partis directement ou indirectement porteurs de l'idéologie. Il leur a ouvert les portes des institutions de l'Etat et, en même temps, a affaibli les forces démocratiques en mesure de leur barrer la route. Quand elles n'ont pas implosé sous les coups des crises internes, les formations démocratiques ont été livrées à l'errance politique ou réduites à bricoler des solutions de sortie, à la faveur notamment d'échéances électorales. La société elle-même a été travaillée en profondeur pour qu'elle subisse l'islamo-conservatisme dont les figures de proue ont pignon sur rue, alors même qu'ils avaient jeté de l'huile sur le feu durant la décennie 90, diabolisant le pays qui avait « interrompu le processus électoral ». L'Algérie se trouve être un « nouvel Eldorado » pour des prêcheurs de tous acabits venus du Proche-Orient remettre le pays sur « les rails du droit chemin ». Mais en dépit des coups et des reculs, il se trouve encore des poches de résistance, un peu partout, y compris au sein de l'Etat, pour se battre pour la modernité, la tolérance et le progrès. Sans elles, les émirs de l'AIS et leurs chefs médiatiques auraient eu la possibilité de brûler les étapes et siéger dès le mois de mai prochain au sein de l'hémicycle parlementaire. Sans elles, les maquis terroristes ne seraient pas harcelés sans relâche par les forces de sécurité. Toute la question démocratique algérienne se résume dans ce questionnement : comment multiplier les îlots de résistance et comment les consolider ? Il y a feu en la demeure. Les législatives prochaines sont programmées pour maintenir le statu quo actuel.