Tout en s'affirmant contre toute forme d'interférence sur le calendrier politique du pays, les opérateurs membres de la Fédération nationale de l'industrie agroalimentaire — filière lait — affiliés à la Confédération des industriels et producteurs algériens (CIPA) n'hésitent pas à prêter des relents politiques à la crise actuelle que traverse le secteur. A l'occasion d'une table ronde organisée hier au forum d'El Moudjahid, M. Mhenni, président de la CIPA, décrivant la situation dramatique de la transformation du lait, a interpellé le président de la République en le rendant responsable de cette situation. « Le président de la République en est responsable », lâchera M. Mhenni, en se référant au discours sur l'économie de marché que le premier magistrat du pays n'a cessé de développer depuis son investiture. Le délégué des producteurs laitiers du Sud, visiblement irrité, l'affirme clairement : « C'est une affaire politique », a-t-il précisé. Et à ce délégué de s'interroger sur le sens à donner à la « subvention » que vient de débloquer le gouvernement au profit du groupe public Giplait. Cette subvention de six milliards de dinars n'est pas venue par hasard », soutient-il avant de considérer qu'il s'agit là, d'« un apartheid entre le secteur public et le secteur privé ». Abdelwahab Ziani, président de la Fédération nationale de l'industrie agroalimentaire, — filière lait — partage ce sentiment en qualifiant la « subvention débloquée à la hâte par Giplait » de subterfuge momentané visant à « faire taire la colère des populations ». Ce même responsable, qui déplore l'absence de dialogue avec les pouvoirs publics, dénonce « l'opacité dans laquelle se fait et se gère la subvention, y compris celle prévue dans le cadre de la loi de finances complémentaire 2007 ». Pourtant M. Ziani ne se prive pas, en marge de la table ronde, d'acquiescer lorsqu'un journaliste lui fait remarquer que ladite subvention n'en est pas une, mais plutôt une avance de crédit du Trésor public avec un taux d'intérêt nul. Ceci étant, ce responsable dément les rumeurs de grève. « La rareté du sachet de lait sur le marché n'est pas due à un mouvement de grève, mais à un arrêt technique suite à une rupture de stock en poudre de lait », affirme Ziani. D'après les données de cette organisation patronale, 70 sur les 78 unités sont à l'arrêt et celles qui continuent à fonctionner disposent de stocks en poudre de lait acquis à des prix préférentiels avant l'envolée des cours sur les marchés mondiaux. Les lignes de production à l'arrêt représentent, selon les statistiques de la CIPA, 6000 postes d'emploi directs et 18 000 indirects. En termes de production, elles traduisent une offre quotidienne de 3 millions de litres (330 t de poudre de lait) pour une contribution fiscale et parafiscale s'élevant à 17 milliards de dinars/an, précise cette confédération. Quant aux besoins mensuels en matière première, ceux-ci s'élèvent à 10 000 t de poudre de lait. Les producteurs privés qui se disent capables d'atteindre les 5 millions de litres/jour, soit une couverture totale des besoins nationaux, soumettent dans un document adressé au ministère du Commerce, via l'UGTA, un ensemble de recommandations. Une analyse des formes d'aide envisagées à travers l'Office national du lait (ONL) accompagne le document. Ainsi, deux modes sont distingués : l'approvisionnement physique ou la compensation par la subvention monétaire. Au titre de la première méthode, les producteurs privés demandent, sur la base de leur estimation des coûts du litre sorti d'usine, un prix de cession optimal du kilogramme de poudre de lait à 133,75 DA, révisable en fonction de l'évolution des prix. Un système de contrôle doit être mis en place pour éviter les détournements de matière première vers les productions à forte valeur ajoutée (yaourt, lben…), préconise la CIPA. S'agissant du second mode, le document dont nous détenons une copie, estime la subvention monétaire à 5 DA/habitant/jour, et ce, sur la base d'une consommation moyenne de 110 l/an. Là aussi, la CIPA alerte sur « le risque de surévaluation spéculative » d'où la nécessité d'un contrôle rigoureux, notamment à travers les services fiscaux (G50) et les factures sur les trois à six derniers mois avec une tolérance de 10 à 20%. Il est souhaité, par ailleurs, l'application d'un effet rétroactif de la subvention pour les 18 derniers mois. En outre, les industriels laitiers veulent bouleverser l'actuel régime fiscal. Considérant le campement des autorités sur un prix administré du lait, ces opérateurs demandent une suppression de la taxe sur l'activité professionnelle (TAP) de 2%, la suppression de la TVA de 17% sur le lben et le raïb conditionnés en sachet, ainsi que toute autre défiscalisation ou bonification des taux d'intérêt sur les crédits à l'investissement et à l'exploitation.