Pour la 9e édition de ce festival qui s'est tenu du 28 mars au 1er avril, les jours se suivaient mais ne se ressemblaient pas... et c'est sans doute ce qui est apprécié par les amateurs des cinémas d'Orient. L'ouverture s'est faite toute en douceur avec Le Mariage de Tuya (Tuya de hun shi) (2006) qui a remporté le Lotus d'Or. Film déjà auréolé de l'Ours d'Or du Festival de Berlin, il relate le quotidien d'une femme mère de famille qui supplée son époux blessé pour faire vivre sa famille ; charge à lui de prendre soin de leur petite dernière. Beau portrait de femme qui porte trop, au sens propre comme au figuré, et qui supporte surtout un quotidien dans l'aridité des terres de Mongolie. Tout en finesse et sensibilité, Le Mariage de Tuya est aussi un voyage dans des terres pleines de mystères. Syndroms and a Century (Sang sattawat) (2006), premier des neuf compétiteurs, dépeint le quotidien dans un hôpital militaire, entre froideur et histoires de cœur. Route 225 (Rûto 225) (2006), pour lequel le réalisateur indique à l'audience qu' « il faut voir le film tel qu'il vient à chacun », permet à chaque spectateur de se faire son idée sur ce film au penchant science-fiction : une sœur et son jeune frère ne retrouvent pas leur chemin en rentrant chez eux. Un cousin de 6e sens ou tout simplement une mise en images de l'imaginaire adolescent ; sujet à interprétations personnelles diverses... Ad Lib Night (Aju teukbyeolhan sonnim) (2006) ou « l'imprévu qui entre dans la vie d'une jeune fille sans la changer complètement », dixit le réalisateur. Se déroulant sur une journée, il met en scène une jeune femme de 20 ans, suivant un groupe de garçons voulant exaucer le vœu d'un homme mourant et souhaitant revoir une dernière fois sa fille ; qu'elle n'est pas... Un bon début et une excellente fin percutante. Big Bang Love, Juvenile A (46-okunen no koi) (2006.) Le film le plus étonnant de cette compétition. Si le sens-même du film mérite un second visionnage, sa forme est sans aucun doute l'expérience cinématographique qui mérite le détour : des jeux de couleurs (rouge-jaune-bleu et les dérivées verte ou parme) et de lumière intenses pour l'œil, des passages de papillon comme intermède ponctuant la narration, de la musique percutante et pleine de symboliques, des plans étranges de conception mais très étudiés, et des dialogues qui prêtent à réflexion (ex : « Les êtres humains sont de faibles créatures. Ils ne peuvent s'empêcher d'espérer... »). Quelle originalité ! Getting Home (Luo ye gui gen) (2006) : un peu d'humour autour d'un sujet lourd (la mort), c'est suffisamment rare pour être souligné, d'autant plus quand c'est traité avec autant de facilité. Film chinois, road movie durant lequel le spectateur suit un homme pauvre dont l'honneur lui dicte de ramener son ami défunt dans sa contrée natale. Ce voyage lui fera croiser des bandits de route, un vieil homme sans amis organisant ses propres funérailles, un jeune homme à vélo voulant aller jusqu'au Tibet, une famille d'apiculteurs, une femme SDF donnant son sang pour de l'argent... jusqu'à... Un film rempli d'humour fin, de justesse, et de la beauté des paysages. King and the Clown (Wang-ui namja) (2005) était l'œuvre préssentie pour représenter la Corée aux Oscars 2007, catégorie meilleur film étranger. Deux heures de péripéties de saltimbanques jusque dans le palais du roi : du cinéma spectacle avec de beaux costumes et du beau maquillage, qui montre un roi rongé par le passé de sa famille que les artistes mettent en lumière. Family Ties (Gajokeui tansaeng) (2006) est le dernier film en lice. Cette œuvre coréenne de près de 2 heures zoome sur des personnages liés par différents types d'« amour » : certains s'aiment sans se l'avouer réellement, d'autres se querellent et se tiennent rancœur de tout, et certains ne peuvent s'avouer aucun sentiment d'aucune sorte. Un sacré mélange, assez difficile à suivre dans sa totalité, tant le rythme de l'intrigue suit le sentiment des personnages (lent et long) dont la vie est synonyme de solitude. Le Vieux jardin (The Old Garden) (2006) projette le spectateur dans la période troublée du Printemps de Séoul (1979-1980). « Vivre c'est souffrir », telle pourrait être la phrase synthétisant la vie des personnages : leurs histoires d'amour ou de famille, leurs engagements et leurs idéaux, leurs vies dans leur pays... tout est combat. Beau film qui fait se questionner sur sa place et son avenir. Cette année, deux maîtres du cinéma de l'autre bout du monde étaient à l'honneur : James Lee : 34 ans, des œuvres brillant par leur éclectisme, une réelle pâte personnelle... Plusieurs de ses films étaient programmés. Une retient plus particulièrement l'attention de par son originalité : Before we fall in love again. Quasi totalement en noir et blanc (sauf la dernière scène) et sans musique (sauf à deux moments précis), le film traite de la rencontre des deux hommes de la vie d'une femme disparue : son mari et son amant se rencontrent et croisent leurs vies qu'ils ont eues avec la femme qu'ils ont aimée. Décalé et un brin étrange, c'est un univers particulier et très personnel dans lequel plonge le spectateur. Le jeune réalisateur malais a fait grâce au public de sa présence pour présenter son dernier film dont la première mondiale a eu lieu aussi le dimanche 1er avril à Hong Kong : Things we do when we fall in love est de la même veine que Before we fall in love again . Epuré de tout effet de style (du contenu de l'image à la présence musicale), il montre le quotidien d'un couple. Une balade, des disputes, un week-end, se tenir la main dans un restaurant, tromper l'autre, pleurer, demander pardon, se dire « je t'aime », se demander ce qu'on va devenir..., triste portrait de la vie de couple, filmée avec de longs grands plans arides. Si l'aspect peut être repoussant, il s'avère pensé et maîtrisé ; et le sujet engage le débat. Hommage a été également rendu à Park Chan-wook : après sa fameuse trilogie sur la vengeance (avec le très fameux Old boy (Oldboy) (2003)), le réalisateur venait pour la seconde fois recevoir un prix dans ce festival. Nouvelle section dans la programmation de ce festival asiatique, les documentaires, principalement consacrés à l'Histoire. Dont Crossing the line, qui montre James Dresnok, un des premiers GI's à franchir la ligne de démarcation et à s'installer en Corée communiste en pleine Guerre froide (1962). Pour ce documentaire, il ne faut pas compter sur l'explication d'une période, mais sur la narration de la vie d'un homme durant cette période : clairement engagé sur cette parole. C'est au spectateur de faire le travail, d'interpréter et d'entre-croiser les éléments proposés (images, audio, témoignages divergents, éléments de la voix off de Christian Slater...).