Les prochaines élections législatives n'emballent pas grand-monde. Ce constat est vérifiable dès que vous plongez dans le quotidien chaotique des Algériens. Cette apathie de la chose politique est inversement proportionnelle aux dividendes attendus de ce scrutin. Le commun des Algériens sait qu'il n'aura pas forcément un renvoi d'ascenseur de la part de ceux qu'il aura portés au palais Zighoud Youcef. Le député de 2007, tout comme ses prédécesseurs du reste, aura du mal à se départir de l'étiquette de rentier qui colle si solidement aux « élus du peuple ». Il aura également du mal à convaincre qu'il fait exception à la règle non écrite qui veut que le député se serve d'abord avant de servir. Mais ceci pour le côté cour. Côté jardin, les joutes électorales du 17 mai font tourner la tête à bien de personnes et de personnalités. C'est presque la chance de la vie, pour ceux qui croient être nés sous la bonne étoile, de pouvoir jouir enfin de ce statut tant convoité de député. Pour ce faire, tous les coups sont permis. On peut, par exemple, changer de label politique juste pour être en pole position ailleurs. Quitte à tordre le cou à ses convictions si tant et qu'on puisse parler de convictions dans un pays où la corruption est érigée en pratique politique. Quand le chef du gouvernement et patron du parti au pouvoir admet que sa formation n'est pas indemne du commerce des sièges et des voix, il y a assurément matière à s'inquiéter de l'avenir de la démocratie en Algérie. Le processus de confection des listes des candidats renvoie l'image théâtrale d'un grand « souk » politique où l'on peut facilement avoir les bonnes grâces du chef à condition de présenter un solide… porte-monnaie. A côté de ce pouvoir de l'argent, l'on assiste à une espèce de mercato politique où les militants et les cadres passent allégrement d'un parti à un autre, histoire de se mettre en orbite pour le 17 mai. Jusque-là marginal, ce phénomène prend désormais l'allure d'une méthode « originale » de faire de la politique. C'est-à-dire défendre des couleurs politiques en fonction de l'offre du moment et avoir les convictions qu'on peut… L'alternance : un doux leurre Il est des ralliements difficiles à expliquer en l'occurrence. Quand on voit un ancien leader du FFS, farouche partisan du contrat de Rome, offrir ses services au RCD, opposant invétéré de Sant'Egidio, on se demande quelle est la morale de cette hallucinante histoire. Ce mariage aurait pu être conclu, n'était une mésentente de dernière minute sur le classement proposé au postulant. Si, à la limite, ce rapprochement pouvait être envisageable entre deux partis de la même extraction politique, tel n'est pas le cas de l'actuelle ministre de la Culture qui défendra les couleurs du FLN ! Et à Tizi Ouzou. Figure très en vue du parti de Sadi et personnage largement boosté par les médias, Mme Toumi a réussi la prouesse de passer du parti de « l'avenir » (ancien slogan du RCD) au plus vieux parti. Ce mercato politique a également permis le grand écart à certains députés et cadres du Parti des travailleurs vers le RCD. C'est dire que la distance séparant l'extrême gauche de la droite ou du centre chez nous n'est pas aussi longue qu'on le pense. L'opportunisme politique est tel que le FLN vient de recycler 15 de ses 16 ministres à la députation, au grand dam des jeunes loups de ce parti qui doivent prendre leur mal en patience, le temps que l'overdose du pouvoir ait, un jour peut-être, raison de ces éternels ministres et députés. Pourquoi donc cette transhumance politique qui fait atterrir Yahia Guidoum – pourtant ex-élu de Constantine – à Sétif pour mener la liste du RND et fait parachuter Abdelkrim Harchaoui, originaire de la région, vers à Alger ? Pourquoi l'inamovible ministre de l'Education, M. Benbouzid, est indéboulonnable chez lui à Oum El Bouaghi et pour quelle raison Hamimid sera-t-il le mieux désigné pour être le chef de file du FLN à Tizi Ouzou par le simple fait qu'il y fut un moment wali ? L'enjeu dans ces « changements dans la continuité » est sans doute moins de répondre au mieux aux préoccupations des citoyens que celui de conserver un statut prestigieux avec tous les privilèges et les délices rattachés aux fonctions officielles. Etre député en Algérie est un métier qui ouvre toutes les portes. De la gloire et des affaires. C'est ce qui explique les luttes à couteaux tirés accompagnant à chaque fois la confection des listes des partis. C'est également la raison pour laquelle des personnes au niveau intellectuel et politique modeste s'engouffrent dans l'arène en espérant se faire adouber par les décideurs. Mais dès qu'on touche à leur poche, ils crient au désaccord politique avec leur direction. L'épisode peu glorieux des députés démissionnaires du PT est à cet égard révélateur de ce qui fait courir nos honorables députés. Tout compte fait, le divorce entre les députés de la chambre basse du parlement et les citoyens électeurs est à ce point consommé que ces derniers ne jugent même pas utile de faire leur bilan de fin de règne. Ne serait-ce que pour sauver la face. Mais ont-ils tous reçu mandat du peuple ?