L'extradition de Rafik Khalifa vers l'Algérie est soumise depuis quelque temps à ce qui s'apparente à des complications. Vous avez, Monsieur l'ambassadeur, annoncé dans une interview accordée au quotidien El Khabar, au mois de janvier, à la veille du procès de la caisse principale d'El Khalifa Bank, que l'extradition est proche, voire imminente. Quels sont, d'après vous, les événements ou les faits qui ont fait que celle-ci ne soit pas une réalité et que pensez-vous de la demande d'extradition présentée par la justice française ? Il faut éviter de se lancer dans des commentaires qui ne correspondent pas à la réalité. Concernant l'information à laquelle vous faites allusion relative à une demande d'extradition qui aurait été présentée par les autorités françaises à la partie britannique, il est admis que l'étude de ce type de demande prend un certain temps. Je ne crois pas qu'il y ait une quelconque compétition entre les demandes introduites par les parties à l'encontre de la personne que vous citez. Le processus algérien se poursuit actuellement avec des contacts entre les deux ministères de la Justice, à travers leurs représentants qui se déplacent tantôt à Alger tantôt à Londres pour les besoins du dossier d'extradition. C'est tout à fait classique. Pourquoi, d'après vous, l'extradition prend-elle autant de temps alors que vous annonciez en janvier dans le quotidien El Khabar que celle-ci est proche, voire imminente ? Où se situe, d'après vous, le blocage ? Il n'y a pas de blocage. Je pense que la communication d'éléments pour soutenir les différentes accusations, pour également ne pas revenir à des qualifications sur les faits, tout cela demande des études des services concernés. N'oubliez pas qu'il y a quand même un appareil judiciaire qui doit étudier chaque pièce, prendre le temps de l'analyse et répondre après. Je crois que c'est un processus qui se déroule, à mes yeux, tout à fait correctement. Les déclarations des représentants de la justice en Algérie vont dans ce sens. Est-ce que vous souhaitez que Rafik Khalifa soit extradé vers la France ? Voilà une question à laquelle il ne faut pas répondre (rire). L'Algérie a présenté sa demande d'extradition, nous travaillons sur cette demande. Point final. Le reste… Je pose cette question parce que d'après nos informations, les avocats de Rafik Khalifa ont fait valoir devant le tribunal, suite à son arrestation le 27 mars dernier, l'argument selon lequel l'extradition vers la France comporte le risque que les autorités françaises le remettent à leur tour à la partie algérienne avec la menace que cela inclut qu'il soit sujet en Algérie à de mauvais traitements, comme ceux qu'auraient subis, d'après les avocats, les trois Algériens extradés tout récemment de Grande-Bretagne… Je n'ai pas de commentaire particulier à faire, car ceci relève de la spéculation. Les défenses des accusés établissent les argumentations qu'elles veulent. La réalité d'une négociation est très souvent différente. Maintenant, l'image qu'on projette de l'Algérie, notamment par certaines organisations, ne correspond pas à la réalité du pays qui a beaucoup avancé en matière de pratique démocratique, de défense des droits du citoyen. Puis, la Constitution comme les lois subséquentes en matière de code pénal et autres garantissent les droits de l'accusé. Pour le reste, je crois qu'il s'agit de procès d'intention et considère que c'est tout à fait négligeable. Vous ne pensez pas que les Britanniques multiplient les procès d'intention, comme vous le dites, à propos de la situation des droits de l'homme en Algérie et que cela est souvent utilisé pour ne pas faire aboutir les demandes algériennes ? Il faut faire la part des choses. Vous parlez des Britanniques comme une entité collective, homogène ; nous, nous avons des relations avec les pouvoirs publics britanniques. Ceux-là connaissent bien notre législation, savent ce qu'est notre administration pénitentiaire. Je ne crois pas qu'ils aient de jugement péjoratif en la matière ; les ONG, quelques ONG, c'est possible. Je pense, par ailleurs, que le procès tel qu'il a été fait à Blida est un procès public et les peines prononcées indiquent la qualité des prestations aussi bien en matière de réquisitoire qu'en termes de défense. Je crois que tout est là : l'Algérie a joué en tout cas pleinement la transparence en la matière. Je ne peux pas entrer dans des considérations subalternes, émises par certains milieux. Nous savons que c'est un discours tenu durant les années 1990, au moment des années difficiles, et qui continue. Par ailleurs, les crimes ne sont pas passibles de la peine de mort en Algérie et le moratoire sur la peine de mort existe depuis 1993. De ce point de vue, les progrès sont sensibles. Je sais qu'on peut toujours faire progresser les droits humains, mais c'est partout la même chose, dans le monde entier. Nous avons cette approche volontariste qui nous guide dans l'enceinte des instances internationales, qui est d'aller toujours vers l'extension, la plus large possible, des droits de l'homme. Où en est-on actuellement dans le dossier des Algériens détenus en Grande-Bretagne et qui ont fait l'objet en juin dernier d'une décision d'expulsion ? Depuis le temps qu'on parle des 17, il ne doit en rester maintenant que 7 ou 8 (rires). Ce qu'il faut préciser, c'est que nous n'avons pas demandé l'extradition de ces personnes. Sont-elles indésirables en Algérie ? Non. Pas du tout. Il s'agit d'un certain nombre de personnes que les Britanniques ne désirent plus garder chez eux pour des raisons spécifiques qui touchent à la sécurité du Royaume-Uni. Ces personnes-là étant présentées comme des Algériens, nous devons procéder à l'identification de ces personnes, à l'établissement contradictoire des faits. Il y a une part très active. Nous leur avons rendu des visites dans les prisons. Pour celles qui étaient détenues, nous avons discuté avec elles pour constater que leur volonté de retourner au pays était bien la leur. A partir de là, elles rentrent au pays et personne n'a le droit de nous demander des comptes sur le retour des nationaux chez eux. Je crois que sur ce sujet, il y a une petite confusion, que je trouve dans la presse notamment, sur les 17, il n'y a eu en fait qu'un cas, d'une personne condamnée par la justice, les autres, inconnus au fichier judiciaire, veulent rentrer pour des raisons qui leur sont propres. Vous pensez qu'à ce sujet, il y ait de la désinformation, de l'instrumentalisation, côté britannique ? Pas de désinformation, il y a une mauvaise présentation des faits. Nous avons une demande qui est britannique, et de l'autre côté un interlocuteur qui examine le bien-fondé de cette demande. En quelque sorte, l'Algérie a un rôle de modérateur et nous vérifions que les droits des personnes ont été respectés en Grande-Bretagne, ce qui est aussi capital. Comme vous le savez, les conditions carcérales, comme partout dans le monde, peuvent être sujettes à critiques, nous l'avons fait nous-mêmes d'ailleurs pour certains cas. L'information selon laquelle certains des Algériens extradés ont été maltraités n'a-t-elle pas, d'après vous, influencé le cours de la procédure d'extradition de Rafik Khalifa ? Il y a un certain nombre d'associations qui inscrivent les rapports Nord-Sud dans un rapport de confrontation et font oublier que le problème de l'application des conventions internationales se situe à l'échelle du monde entier. L'Algérie, comme la Grande-Bretagne, a souscrit à la convention contre la torture, les traitements inhumains et dégradants. Par conséquent, les Etats veillent à ce qu'il n'y ait pas de cas de ce genre. C'est tout à fait logique. Maintenant, certaines associations veulent ériger cela comme une pratique systématique dans certains pays, ceci est tellement exagéré que ça devient insignifiant. Donc, cela n'a pas eu d'influence ? Cela n'a jamais été posé comme cela par les Britanniques. Les Britanniques n'ont jamais soulevé ces aspects-là. Encore une fois, ce sont des spéculations externes au dossier qui ont laissé apparaître cela. Maintenant, on parle d'une année à trois ans pour voir peut-être aboutir la demande d'extradition de Khalifa… Je ne sais pas. Il faut laisser les institutions travailler ensemble, examiner d'une manière contradictoire l'ensemble des données. Il y a une documentation assez importante ; et du point de vue l'examen, ça ne se passe pas en un jour. Il faut compter aussi sur les exigences qui sont celles de la justice britannique, connue pour être indépendante… Je crois que la justice est partout indépendante. On peut le croire ou pas le croire. Je me refuse à comparer les systèmes judiciaires, car chacun fonctionne selon ses propres règles, mais le principe de l'indépendance de la justice est acquis du point de vue des lois fondamentales dans chaque pays. Mais il y a certaines procédures d'extradition qui ont pris dix ans. Je sais que le mandat d'arrêt qu'a émis l'Algérie est ancien, il date de 2003 ; la procédure d'examen, c'est aux spécialistes de chaque institution de se prononcer… A ce titre justement, je reviens à ma première question. Vous dites que l'Algérie a diffusé son mandat d'arrêt en 2003 ; pourquoi, selon vous, les autorités britanniques n'ont pas procédé à l'arrestation de Khalifa ? Vous savez, c'est Interpol qui diffuse ce type de mandat. Chaque pays qui le reçoit étudie sa faisabilité. C'est une procédure classique. Ce qu'on peut dire maintenant, c'est que nous sommes dans un processus post-judiciaire. La condamnation à la réclusion à perpétuité prononcée par contumace contre Khalifa n'a-t-elle pas influé sur la décision des autorités britanniques ? Non, je ne pense pas du tout. Les Britanniques ont dû être des observateurs du procès à travers leur chancellerie à Alger. Ils ont dû admettre que les règles de clarté et de transparence ont été appliquées.