Il ne suffit plus de tracer des plans et de renforcer ses troupes pour dire que c'est la fin de la guerre. Cette vérité est administrée chaque jour aussi bien aux Américains qu'aux Irakiens. La situation a fini par devenir d'une extrême complexité. Elle est telle qu'on ne sait plus qui se bat contre qui et pour quelles motivations. Ainsi en est-il des violents accrochages entre les miliciens radicaux chiites de l'armée du Mahdi, partisans de Moqtada Sadr, et les forces américaines hier à Diwaniyah (180 km au sud de Baghdad) où un couvre-feu a été imposé. Selon un premier bilan du ministère de la Défense, au moins « une personne a été tuée et 19 autres blessés ». Un témoin a affirmé auparavant avoir vu « cinq corps de miliciens et des dizaines de blessés ». « Les affrontements entre l'armée du Mahdi et les Américains ont commencé ce matin. Au moins 30 civils ont été tués et trois humvees (véhicule blindé américain) ont été brûlés », a affirmé un membre du bureau à Diwaniyah du mouvement de Moqtada Sadr, qui a requis l'anonymat. Les Américains n'ont pas confirmé les affrontements dans l'immédiat. Jeudi soir, les forces de sécurité irakiennes et les soldats américains ont lancé diverses opérations, fouillant des maisons, arrêtant des suspects, et utilisant même des frappes aériennes à Diwaniyah. Ils se sont heurtés à plusieurs reprises aux miliciens et un couvre-feu a été décrété. Les accrochages se sont faits plus violents dans la matinée. « Les affrontements se déroulent dans le nord de la ville. Ils sont la conséquence des raids (opérations) et arrestations par les troupes d'occupation de membres de l'armée du Mahdi », a déclaré un membre du bureau sadriste. Le bureau de Moqtada Sadr, dans la ville sainte chiite de Najaf (160 km au sud de Baghdad), a condamné « l'entrée soudaine et injustifiée des troupes d'occupation dans des zones résidentielles. Il y avait une opportunité pour une solution pacifique plutôt que l'utilisation de la force. Nous demandons aux autorités irakiennes d'aider au retrait américain des zones résidentielles ». Les Irakiens et Américains avaient annoncé mardi, qu'ils allaient étendre le plan de sécurisation de Baghdad à d'autres régions, sans qu'il soit encore possible de savoir si les opérations lancées jeudi soir à Diwaniyah font partie de ce plan. Féroce adversaire des Américains qu'il ne manque jamais de critiquer et avec lesquels il a demandé à ses partisans de ne pas collaborer, Moqtada Sadr, continue néanmoins à soutenir le gouvernement de Nouri al-Maliki dans lequel il compte six ministères. Depuis le lancement du plan de sécurisation de Baghdad à la mi-février, les milices sadristes ont presque disparu des rues de la capitale. En 2004, les milices de Moqtada Sadr avaient affronté ouvertement les Américains en août à Najaf et en novembre à Falloujah. Moqtada Sadr n'a pas été vu en Irak depuis plusieurs mois. Les Américains estiment qu'il se trouve en Iran, déclaration démentie à plusieurs reprises par son mouvement. Mais cela est une autre histoire, car dans l'immédiat, l'Irak brûle de toutes parts, et plus personne n'entrevoit la sortie. Surtout les Irakiens. L'un d'entre eux, qui n'est autre que l'ancien Premier ministre irakien Iyad Allaoui, dont le groupe politique a menacé de se retirer du gouvernement, répète que la solution à la violence en Irak « est politique » et non militaire, critiquant le plan de sécurité appliqué depuis février à Baghdad. « Augmenter les effectifs des troupes n'est pas la solution. » « Sans une véritable réconciliation nationale, le démantèlement des milices illégales et la rupture avec une politique confessionnelle, je ne vois pas de solution à l'insécurité en Irak, pays déchiré par une vague de violences à caractère sectaire », a-t-il ajouté. « Washington est appelé à mettre l'accent sur la dimension politique de la crise irakienne », a-t-il ajouté, critiquant le plan de sécurité pour Baghdad, lancé le 14 février et fondé sur le déploiement de nouveaux renforts militaires américains et irakiens. M. Allaoui est le chef de la Liste nationale irakienne, une coalition laïque qui constitue la quatrième force politique au Parlement irakien, avec 25 députés sur 275. Sa formation a menacé jeudi de se retirer du gouvernement du Premier ministre Nouri al-Maliki, où elle détient cinq portefeuilles, soulignant qu'elle « ne souhaite pas continuer à partager les responsabilités au sein du gouvernement, dominé par les pratiques sectaires et l'étroitesse de vue ». Et cela rend improbable la solution politique à laquelle il appelle.