La résistance irakienne a été telle que les troupes américano-britanniques se refusent d'entrer dans les villes pour arriver rapidement à Bagdad. Elles ont déjà perdu plusieurs soldats. Après avoir parié sur une reddition massive dans les rangs de l'armée irakienne, et le renversement facile et rapide du régime de Saddam Hussein, l'Administration américaine et son allié britannique ont fini par ce rendre à l'évidence que la résistance des forces irakiennes, des militants du parti Baâs et d'autres volontaires armés par le régimes, sera aussi solide. Les GI's auxquels leurs chefs ont fait admettre que la prise du sud de l'Irak est une balade ont trouvé en face d'eux une armée qui “défend bien ses villes”. Graves étaient, en effet, les erreurs commises par les stratèges du Pentagone, qui ont toujours pensé que cette région peuplée, essentiellement de chiites qui constituent la majorité des Irakiens, leur serait acquise dès le début de la guerre étant donné le mauvais traitement que lui réservait le régime de Saddam. Par méconnaissance de la sociologie du peuple irakien, ils ont ignoré que si ces populations, dont le sens patriotique est resté entier, n'étaient pas pro-Saddam, elles ne pourraient pas aussi être proaméricaines. L'adjoint de Saddam, Taha Yassine Ramadan, donné pour mort samedi, a affirmé, hier, aux correspondants de presse présents à Bagdad que “toutes les villes résisteront à l'offensive” américano-britannique. Les troupes des coalisés qui progressent lentement, contrairement à leurs premières prévisions, affrontaient, jusqu'à hier, une quarantaine de résistants à Oum Qasr, une ville déclarée pourtant, depuis le premier jour de l'offensive, “zone libérée”. “Ils ont tiré à la roquette, au mortier et à l'arme automatique, nous avons vécu l'enfer”, soulignait un soldat américain tombé dans une embuscade avant d'ajouter : “Nous avons appelé à l'aide de l'artillerie britannique derrière nous, mais les explosions devenaient si proches que nous avons dû reculer. C'était terrifiant.” Voilà qui résume parfaitement le niveau de la résistance irakienne au quatrième jour de la guerre. C'est dans ces conditions que les troupes alliées ont perdu plusieurs de leurs soldats, et c'est pour ne pas en perdre plus qu'elles craignent de s'enliser dans une guérilla urbaine et préfèrent contourner les villes pour avancer rapidement vers Bagdad. Mais là aussi, à l'instar des autres grandes métropoles, Saddam, qui a appris la leçon de la première guerre en évitant d'exposer son armée dans le désert, attend les coalisés. Cette nouvelle donne a fait réagir, hier, le président égyptien, Hosni Moubarak, qui craint que “les opérations militaires traînent en longueur”, en Irak. Il a avoué à la presse que les Américains lui ont, pourtant dit, que “la guerre serait brève”. Ce n'est pas le cas. Et au rythme où vont les choses, elle est partie pour durer dans le temps. Cette situation renforcera la résistance des Irakiens et jouera, sans doute, contre tous les plans de l'Administration Bush et du Pentagone. La Maison-Blanche, qui s'abstient pour l'instant de recourir à des attaques massives qui feraient beaucoup de victimes parmi les civils, pourrait être contrainte à le faire avec toutes les répercutions que cela aurait sur le plan international. Le locataire du bureau ovale, qui a déclaré la guerre à l'Irak envers et contre la communauté mondiale, aura du mal — lui qui comptait légitimer son action à la fin de l'offensive par le renversement de Saddam en faisant moins de morts parmi les Irakiens — à convaincre l'opinion de son pays surtout s'il fait rééditer aux forces américaines la débâcle du Viêt-nam. Les GI's, avec leur logistique militaire, arriveront certainement aux portes de Bagdad et arriveront tôt ou tard à contrôler la totalité du territoire du pays de Saddam. Mais à quel prix ? D'ici là, Bush aura déjà perdu la guerre, car la question ne sera plus “la libération du peuple irakien du joug du régime”, comme il continue à le prétendre. Les forces américaines risquent de subir beaucoup de pertes avant même que Bagdad ne tombe. Le Pentagone, qui s'attendait à une large reddition dans les rangs de l'armée irakienne, a maintenant eu la preuve que Saddam, dictateur qu'il est, n'est pas aussi honni dans son pays. 7 millions de militants du parti Baâs sont également prêts à défendre l'Irak. S. R.