Poète attaché à son terroir et cosmopolite raffiné, Azeddine Mihoubi sait fondre par le brassage propre de l'imagination l'élément concret, emprunté à l'Algérie urbaine de tous les jours, le mythe légendaire (Massinissa, Larbi Ben M'hidi, etc.) et enfin une pulsation physiologique primordiale : « Du cœur pendait un caillou. Une larme s'alluma sur le mur. Il y avait deux femmes par ici... Une troisième défaisait sa tresse Pour remodeler la lumière du jour. Voyant du sang sur les miroirs, elle ferma les yeux. » (La tresse). Ainsi, il est chez lui des cascades ruisselantes d'images discontinues, qui allient le choc de surprises répétées à une plénitude massive de l'expression. Son vers martelé, serré, étranger aux harmonies faciles et d'une syntaxe à l'extrême Elliptique, excelle par une qualité algérienne plus secrète et peut-être plus raffinée que celle d'un Omar Azradj ou d'un Slimane Djouadi : « J'attends que le jour se lève Vient celui qui est néant Une fleur dans l'absence Une goutte dans les nuages Une caresse des lèvres d'un prophète Demain sera mon jour de bonheur. Préparez pour mon cœur Qu'adorent les femmes une danse ou un habit » (La robe). Azeddine Mihoubi croit que la poésie, joignant à des moyens analytiques le libre jeu de l'image, est en mesure de percer le secret des âmes. On ne suivra pas toujours le poète sans effort, car la richesse des allusions qui tentent de fixer la fluidité vivante des consciences, se prodigue parfois aux dépens du faire poétique : « C'est un sanglot long Qui dure depuis longtemps. Comme un orage, il gronde, Déverse un déluge, et ; Roule de nouveau sa grosse voix ». (Le sanglot). C'était la décennie rouge ! Mais la côte algéroise a vraiment inspiré Mihoubi : maisons blanches, au milieu des pergolas et des terrasses, soleil filtrant à travers les persiennes vertes, bleu transparent des criques marines, odeur des foins à peine coupés, senteur fraîche de sel marin, d'algues Parfum de chairs juvéniles. Lourdeur de l'été, tristesse tendre. Puis, voix des pêcheurs arrimant leurs barques, chansons de femmes... « Les quais froids de marchés sentent l'herbe La porte verte de l'école est pour moi la mer. » Azeddine Mihoubi est aussi un bon dramaturge (on l'a vu dernièrement avec sa pièce : Hama le cordonnier) et un romancier qui promet (il a déjà deux romans à son actif). 1) Né en 1959 à Aïn El Khadra (w. de M'sila). 2) Azeddine Mihoubi est un poète prolifique. Il a plus de huit recueils publiés. Il a aussi écrit pour le cinéma, la télévision et la radio. 3) La traduction des poèmes est de Merzac Bagtache (voir Caligula peint guernica à Raïs - Edition Assala - 2003).