Le silence qui entoure l'une des figures les plus attachantes de la Révolution algérienne doit être rompu. Une émotion indescriptible a envahi la salle de conférence du quotidien El Moudjahid en entendant retentir l'hymne national algérien Kassaman, en hommage au chahid, au martyr, Mohamed Larbi Ben M'hidi. Des larmes ont perlé sur le visage de certains. L'âme de Ben M'hidi a plané au-dessus de nos têtes, dimanche matin. Des témoins, des compagnons d'armes, d'anciennes moudjahidate, étaient présents. Mme Meriem Benmihoub-Zerdani, Fadéla Morsli, Si Abdelhafid, M.Daho Ould Kablia, ministre délégué aux Collectivités locales, Abdelkrim Hassani, son beau-frère, M.Ben M'hidi, neveu et ancien ministre du Tourisme, Mohamed Abbas, intellectuel et chercheur...Yacef Saâdi, invité, se trouvant actuellement en France pour des soins. Larbi Ben M'hidi, patron incontesté et incontestable de la Zone autonome d'Alger et véritable «cerveau» de la stratégie de guérilla urbaine, menée jusqu'au coeur de la vieille Casbah, était un partisan de la non-violence, mais il a été obligé de l'adopter car convaincu que la seule issue de parvenir à l'indépendance de l'Algérie, c'était la lutte armée, disproportionnée certes, mais animée d'une volonté qui ne pouvait trouver de réponse que dans la foi, la foi en Dieu, bien sûr. Les témoignages ont apporté quelques petits faisceaux de lumière pour sortir de l'ombre le parcours d'un homme exceptionnel, stratège hors pair de la lutte armée, à la tête d'une Wilaya V historique dépourvue de moyens et qu'il a pu remettre sur rails grâce à une volonté de fer. Mythe? Symbôle d'une révolution? Certainement les deux. A l'image d'une Amérique latine qui a, son Ernesto «Che» Guevara, l'Algérie, la révolution algérienne aura enfanté l'un de ses meilleurs fils, son héros, Larbi Ben M'hidi. Né pour se sacrifier, corps et âme, pieds et poings liés pour l'indépendance de son pays. Il n'est plus permis, ni décent de ne pas se souvenir des femmes et des hommes qui ont fait l'histoire de ce pays depuis les différentes conquêtes et agressions qu'il a subies et qui ont jalonné l'Algérie dans l'édification d'un Etat, d'une nation sûre de ses frontières et à la souveraineté retrouvée. Toutes et tous ont convergé vers le même but: l'indépendance du pays. La reconnaissance leur est due aujourd'hui par les plus hautes instances du pays, mais alors qu'elle soit permanente. Intellectuels, historiens, tous doivent se pencher sur l'écriture de l'histoire d'un pays passionnant de surcroît, même si elle a été menée au gré de convoitises, d'allégeances, et d'avilissement. Et c'est justement pour cela qu'elle devient urgente, car un peuple sans mémoire risque de devenir un pays sans histoire. La dignité retrouvée, tenir tête aux grands de ce monde, ne jamais s'agenouiller. C'est le message et l'héritage laissés par Ben M'hidi. «Donnez-nous vos chars et vos avions, nous vous donnerons nos couffins.» «Mettez la révolution dans la rue et le peuple s'en emparera.» Ce peuple dont tous les enfants étaient ses enfants. Nous sommes tous des Ben M'hidi, devrions-nous clamer. L'homme qui a regardé Bigeard, les yeux dans les yeux sans broncher. L'homme à qui les officiers de l'armée coloniale française ont présenté les armes. L'homme qui a affronté son bourreau, Aussaresses, après une première tentative de pendaison avortée, lui a crié au visage «pourriture!», a été la cible d'un assassinat politique programmé en haut lieu par Mitterrand, Max Lejeune et bien d'autres. L'homme aux mains nues qui a défié une des plus grandes puissances militaires du monde de l'époque, avait pour seule arme, la modestie, l'amour de l'Algérie et un courage hors du commun qui ont fini par mettre en échec un adversaire qui était loin de douter de son invincibilité.