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Une dure réalité au sein des sites paradisiaques
Commune de Timezrit à Boumerdès
Publié dans El Watan le 11 - 04 - 2007

En cette matinée de mars abondante en pluie, des précipitations venues dissiper des appréhensions d'une sécheresse qui avait commencé à s'installer, menaçant de faire vivre un été d'enfer, surtout dans les villages perchés sur les hauteurs pas encore raccordés au réseau d'AEP ou, dans le cas où ils le sont, servis en eau une fois par semaine, par mois, par trimestre, selon les cas.
Au carrefour de Socothyd, un panneau nous indique la direction : Timezrit 20 km. C'est à la fois loin et tout près. Tout près pour le visiteur véhiculé qui « ose pénétrer dans le cœur de la Kabylie ». Le touriste, comme l'écrivait le défunt Mouloud Feraoun, est celui qui, tout au long de son voyage, sera emporté par la beauté des sites et des paysages. Mais c'est une longue distance pour le villageois qui doit quitter quotidiennement son village le matin pour y revenir le soir. La route fend en deux le nouveau lotissement des Issers avant de se jeter dans la plaine est de la ville sur une longueur de quelque 4 km.
Un village oublié
De part et d'autre, de nouvelles constructions « ont poussé comme des champignons ». « Au début des années 1990, il n'y avait pas tout cela. A ce rythme, on risque de n'avoir plus de parcelles à cultiver et c'est toute l'activité agricole qui en pâtira », nous dit Mourad, un habitant de la région qui nous accompagne. Après la plaine, le chemin serpente les collines dans la direction de Timezrit. Une commune rurale de 20 000 habitants perchée à quelque 700 m d'altitude. Un massif densément boisé et parsemé de petits villages, de simples hameaux parfois. Il y a toujours eu des risques en empruntant cette route. Toute cette zone était infestée par les groupes terroristes. Elle l'est encore, mais à un degré moindre. La situation s'est maintenant nettement améliorée bien qu'il y subsiste encore une activité terroriste non négligeable. Incursion dans les douars, enlèvement suivis de demandes de rançons, faux barrages et autres mouvements des groupes armés sont souvent rapportés par la presse écrite. Après tout, nous sommes à quelques encablures du tristement célèbre massif de Sidi Ali Bounab. La tendance ou plutôt la domination islamiste se décline par le changement de la dénomination d'une source connue de tous comme Taâouint Tasemat (la fontaine fraîche) devenue Aïn Zilzal. Un écriteau en arabe sur une plaque de marbre dans un panneau de faïence vous l'apprend. Presque tarie avant 2003, cette source a retrouvé son débit d'antan, nous explique notre ami, juste après le séisme de mai 2003, d'où le changement de sa dénomination. « Les islamistes ne ratent aucune occasion pour distiller leur idéologie dans la société. Après le tremblement de terre, ils ont tout fait pour faire croire que la catastrophe était un châtiment divin, qu'il fallait donc bien graver dans les mémoires et dont il fallait perpétuer le souvenir. Dans la foulée, leur idéologie a quelque peu marché. Mais il y a l'absence de l'Etat. Sinon, un geste comme celui-là, le changement de dénomination d'un endroit public, avec affichage, ne devrait-il pas être soumis à autorisation ? », déclare notre accompagnateur. Le chemin qui ne cesse de monter dévoile à chaque tournant un village oublié… des hameaux faits de maisons aussi modestes que leurs habitants qui se montrent particulièrement réjouis de notre visite. « Cela va au moins nous sortir de l'anonymat. Nous sommes oubliés dans ces coins perdus. La dégradation de la situation sécuritaire a durement affecté notre quotidien. Avec toute la menace qui pèse sur nous depuis 15 ans, nous ne pouvons plus profiter des avantages de la vie à la campagne. Il ne nous en reste que les inconvénients : nous sommes contraints de nous enfermer dans nos maisons, nous ne pouvons plus travailler tranquillement nos champs, ni même faire nos courses à l'aise. Comme il ne nous est pas aisé de circuler, d'aller travailler, sortir tôt ou revenir tard. C'est une dégradation terrible, insupportable, qui a fait partir les habitants de la région », résume-t-on. Au chef-lieu de la commune, on se rend compte qu'il s'agit d'un petit village, le plus important des 20 autres villages composant la commune. Le siège de l'APC, un bureau de poste, 2 collèges, écoles primaires et quelques commerces, voici ce qui fait le lieu de rencontres des habitants de Timezrit. Le chef-lieu. « ur izur ara w akal nnegh ; ur d ifk' ara irgazen ad iwten fellagh. Allah ghaleb » (nos terres ne sont pas assez nourrissantes pour élever des hommes capables de nous défendre. Nous n'y pouvons rien) aiment à répéter les Timezretis. Ces montagnards, « fiers de l'être », ont cette faculté de ciseler les mots pour leur donner une signification chargée, reconnaît-on dans toute la région. A un reporter qui a posé cette question : « Qu'est-ce qui vous manque ici ? » à un vieillard des Aït Yahia Moussa, une commune voisine de Timezrit, celui-ci a répondu : « Il me manque un arc et un carquois de flèches, sinon tu aurais vite reconnu en moi un Indien. » Une manière de dire qu'« ici la vie coule vide et banale », (dixit Mouloud Feraoun). Entre le champ, la forêt jadis et la maison. En effet, les citoyens à Timezrit se plaignent de tout : problème d'eau potable, de routes non revêtues, d'absence de pistes agricoles, de coupures d'électricité, de chômage, d'absence d'infrastructures de jeunes, de santé et autres. « Nos enfants doivent aller à Bordj Menaiel pour poursuivre leurs études secondaires, une ville distante de 30 km. De ce fait, l'APC investit une somme importante dans le ramassage scolaire sans pour autant pouvoir offrir une aisance à même de permettre aux écoliers de réussir leurs études », nous avait déclaré quelques jours auparavant le P/APC de Timezrit.
Une unique subvention
Les habitants insistent sur le problème d'eau : « Les coupures prolongées allant parfois jusqu'à 3 mois nous pénalisent énormément, surtout pendant l'été ». Les habitants n'omettent pas de souligner qu'il existe à Timezrit une importante activité artisanale. « Mais sans un encadrement et une assistance matérielle, elle ne pourra pas survivre parce qu'elle ne nourrit plus, » tient-on à souligner. Il y a au chef-lieu tout un carré de forgerons et de ferronniers comme il existe une importante activité féminine, confinée entre les quatre murs des foyers, faut-il le dire, allant de la poterie à la couture en passant par le tissage et la vannerie. « La femme rurale est chez nous plus que marginalisée. Le problème est aggravé par la quasi impossibilité de poursuivre les études dans laquelle se sont retrouvées les jeunes filles à cause de la dégradation de la situation sécuritaire et du pouvoir d'achat », nous dit-on. Se rappelant les horreurs qui ont eu lieu ici durant les années 1990, les habitants de Timezrit sont unanimes à dire que la situation sécuritaire a changé pour le mieux depuis l'installation de la garde communale dans leur commune et la venue de l'armée dans les maquis mêmes de Sidi Ali Bounab. Cela a bien entendu réduit considérablement la liberté de mouvement des groupes terroristes. Sidi Ali Bounab, qui s'étend entre les communes de Timezrit, Aït Yahia Moussa, Tadmaït, Naciria et Draâ Ben Khedda est en fait un vaste et dense massif aux reliefs escarpés qui offre un refuge certain pour les terroristes. Il a longtemps été une zone de repli pour les groupes armés activant en Kabylie. Cela dit, les habitants ressentent le besoin d'une meilleure couverture sécuritaire à travers l'implantation d'une brigade de la Gendarmerie nationale ou d'une BMPJ. En conclusion, le P/APC de Timezrit estime que sa commune ne peut pas vivre ou se développer avec la maigre subvention allouée dans le cadre des PCD qui pour une fois a atteint les 4 milliards de centimes, une somme très en deçà des besoins exprimés. « La verdure, la beauté des sites et le charme des paysages, s'ils vous égaient, ils ne vous rendent pas forcément la vie aisée dans cette Algérie qui a tout sacrifié pour le bien-être de certains dignitaires qui font perpétuer le système. Si rien n'est fait en urgence, il n'y aura plus de vie dans la campagne algérienne dans quelques années seulement », dit notre compagnon.


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