Traditions n Quand la pluie tarde à venir et que la sécheresse s'installe, on procède, dans les campagnes, à des rites pour les provoquer : ce sont les rogations de la pluie. Quand la chaleur du soleil brûle la terre et dessèche les arbres, quand les oueds et les sources tarissent et qu'il n'y a plus d'eau, les bêtes comme les hommes ont soif ! Dans les campagnes, la sécheresse est plus dramatique que dans les villes où, en dépit des restrictions, on peut toujours espérer avoir sa ration d'eau. Dans les montagnes ou les plaines, une fois les robinets à sec, il faut se débrouiller pour aller chercher le précieux liquide. Dans la plupart des campagnes algériennes, la corvée d'eau échoit à la femme. C'est une pitié de les voir, sur les pentes des Aurès ou du Djurdjura, des cruches de terre ou de grands jerrycans sur le dos, parcourir de longues distances à la recherche de points d'eau. Et quand on trouve une source, il faut de longues heures d'attente pour pouvoir remplir son récipient ! Dans les villages qui ont la chance de disposer de fontaines, l'eau, en période estivale, est rationnée : un ou deux bidons seulement par famille, ou alors en fonction du nombre de personnes... Allez boire, faire la cuisine, le ménage et la lessive avec un ou deux bidons d'eau... Quand l'eau se raréfie, les regards se tournent vers le ciel pour voir si quelque nuage porteur de pluie ne le traverse pas. Ou le ciel est d'un bleu uni, sans la moindre tache ou les taches qui le parcourent sont éparpillées, en tout cas trop faibles pour s'amonceler et faire naître l'espoir d'une averse. Les vieux, qui savent interpréter les signes de la nature, lâchent, après un minutieux examen : «Non, il ne pleuvra pas !»Quelque jeune pour qui nuage est synonyme de pluie conteste ce jugement : «Bien sûr qu'il va pleuvoir ! — Non, répète le vieux, il ne pleuvra pas ! — La pluie n'est pas pour tout de suite mais ces nuages vont s'amonceler, grossir et la pluie finira par tomber !» Mais le vieux secoue la tête : «Ces nuages n'ont pas la couleur des nuages pluvieux !» Et la journée passe sans que la pluie tombe. Et les restrictions, et les longues marches à la recherche de l'eau vont se poursuivre. La sécheresse est encore plus dramatique quand, à l'approche des labours, la pluie n'arrive pas. On se met à scruter le ciel, guettant le moindre nuage, on essaye aussi de s'informer des lieux où la pluie a commencé à tomber, en espérant qu'elle finira par arriver. Mais quand elle ne vient pas et que la sécheresse menace de s'installer, on recourt à divers rites pour la provoquer . si le rite le plus courant, à travers l'Algérie, est la prière de la demande de la pluie ou salat al-istisq'a, on pratique aussi des rites plus anciens issus de la tradition agraire maghrébine. Ce sont les rogations de la pluie, appelées diversement aghondja, ghondja ou telghondja, bango et surtout anzar. C'est un de ces rites, anzar, que nous allons évoquer. Mais avant de décrire le rite, racontons d'abord la légende d'Anzar, telle qu'on la trouve encore en Kabylie. (à suivre...)