L'enseignement coranique sera dorénavant soumis à une réglementation. L'Etat a décidé de reprendre en main cet enseignement ô combien sensible qui a longtemps été laissé au gré des zaouïas, des enseignants et autres intervenants qui en ont fait une matière à propagande. Chargée depuis une année de l'élaboration d'une plateforme pour la réglementation de l'enseignement coranique, la commission diligentée par les affaires religieuses et les wakfs a enfin achevé son travail de préparation des textes législatifs devant pallier le vide juridique dont souffre ce type d'enseignement depuis l'indépendance. Des générations d'Algériens ont façonné leur compréhension du texte sacré suivant l'interprétation des enseignants eux-mêmes. Une des conséquences de ce dramatique schéma d'aliénation a été l'apparition de mouvements fondamentalistes en Algérie, dont le background idéologique va en contresens de la compréhension de l'Islam traditionnellement connu. Les pouvoirs publics semblent reconnaître aujourd'hui, par cette reprise en main de ce type d'enseignement, avoir failli par le passé en laissant certaines sensibilités disposer à leur gré, pour ne pas dire manipuler à loisir les consciences de candides prétendants au savoir coranique. Le chargé de l'information au ministère des Affaires religieuses et des Wakfs, qui en a fait l'annonce hier en marge des travaux de la huitième semaine nationale du Saint Coran, l'affirme en disant que cette mesure a pour but de « pallier les lacunes pouvant être exploitées par certaines parties à d'autres fins ». Et d'ajouter : « Le fait que ces questions n'avaient pas été prises en charge comme il se doit par l'Etat, a entraîné l'émergence d'une pensée religieuse extrémiste. » Notons que le courant théologique malékite adopté par l'Algérie depuis des siècles s'est vu ces dernières années menacé par l'apparition de nouvelles tendances idéologiques étrangères à cette terre, notamment le courant wahhabite venant d'Arabie Saoudite, ou encore dernièrement l'apparition de la pensée chiite favorisée par une actualité brûlante dans le Moyen-Orient. A travers ce projet qui a pour base d'unifier les programmes pédagogiques dans les 6000 écoles coraniques réparties sur le territoire national, l'Etat compte définir des lignes rouges à ne pas dépasser en vue de protéger le demi-million d'étudiants que comptent ces écoles des différentes manipulations et du « chant des sirènes » de l'extrémisme. Abdellah Tamine explique que les programmes qui seront établis devront à la fois prendre en considération le niveau intellectuel de l'enfant, mais aussi fixer les conditions que doit remplir un enseignant pour dispenser des cours de l'enseignement du Coran dans les différents établissements. Les horaires et la structuration de ces derniers ont également donné matière à réflexion de la part de la commission des affaires religieuses. Le chargé de l'information de ce département ministériel a, par ailleurs, indiqué que les nouvelles dispositions prévoient de donner un caractère officiel au diplôme délivré à l'étudiant après chaque fin de cycle. Il est utile de souligner que l'enseignement coranique est assuré par 270 zaouïas, 2344 écoles coraniques et 1111 écoles rattachées aux mosquées où l'encadrement est confié à 1729 imams, 597 muezzins et 969 bénévoles. Ces statistiques renseignent on ne peut mieux sur ce caractère aléatoire dont fait l'objet l'enseignement coranique, qui en fonction de l'établissement ou du précepteur change d'interprétation et de couleur idéologique. Il est fort heureux de constater que cet enseignement va enfin sortir de certaines mains aventureuses qui n'ont eu de cesse de ternir l'image de l'Islam et de polluer les esprits.